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22 septembre 2020 2 22 /09 /septembre /2020 06:53

La charge de police à l’origine des blessures de Geneviève Legay, le 23 mars 2019 à Nice, était disproportionnée, selon l’IGPN qui pointe la responsabilité du commissaire Rabah Souchi, à la tête des opérations. Un an et demi après les faits, le président Emmanuel Macron est donc démenti. Médaillé, en juin 2019, par le ministère de l’intérieur, Rabah Souchi est cependant toujours en poste.

 

 

Cette fois, l’Inspection générale de la police (IGPN) n’a pas pu faire autrement que de déclarer la charge des policiers disproportionnée. Et sa conclusion est éminemment symbolique dans une affaire qui a fait grand bruit, tant elle a été marquée par des mensonges, des dissimulations et des conflits d’intérêts. Selon les éléments réunis par Mediapart, l’IGPN reconnaît enfin ce que nombre de témoins se tuent à répéter depuis le début de l’affaire : Geneviève Legay, 73 ans, gravement blessée le 23 mars 2019, à Nice au cours d’une manifestation des « gilets jaunes » a bien été renversée par les forces de l’ordre au cours d’une charge que les gendarmes interrogés ont jugé brutale, violente et illégale.

Victime d’une hémorragie et de plusieurs fractures au crâne, l’état de santé de Geneviève Legay avait nécessité plus d’un mois de surveillance médicale.

Dans ses conclusions rendues en avril, l’IGPN met en cause le commissaire divisionnaire Rabah Souchi, à la tête des opérations et donne raison au capitaine de gendarmerie qui, le jour des faits, a refusé de participer à cette charge et d’engager son escadron composé de près de 60 hommes, comme nous l’avions révélé (à lire ici). 

Une vidéo, tournée par la cellule image ordre public (CIOP) des gendarmes et jamais diffusée jusqu’à présent, montre la réalité de cette charge.

 

 

La gravité des faits a conduit ce capitaine à adresser à sa hiérarchie, le 25 mars 2019, deux jours après les faits, un rapport détaillé, que Mediapart révèle et publie dans son intégralité. Loin de s’inscrire dans le cadre d’une guerre police-gendarmerie, ce compte rendu, largement repris par l’IGPN dans ses conclusions, annihile ainsi le déni des autorités sur les violences policières. Dès le 23 mars, la haute hiérarchie de la gendarmerie avait d’ailleurs été alertée sur ces faits. Est-il possible que dans une affaire aussi médiatisée, des informations aussi sensibles ne soient pas remontées jusqu’à l’Élysée ?

Le 25 mars, Emmanuel Macron déclare pourtant dans les colonnes de Nice Matin : « Cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre. » Et croit bon de préciser : « Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci. »

Le rapport de gendarmerie que nous publions aujourd’hui discrédite définitivement cette version.

 

Rapport du Capitaine H. sur les opérations de maintien de l'ordre à Nice, 25 mars 2019. © Document Mediapart

 

Son auteur, le capitaine H. y qualifie la charge de « brutale et violente », en « totale disproportion et nécessité face à une foule d’une trentaine de personnes assez âgées, très calmes »

Il alerte ses supérieurs sur le comportement du commissaire Rabah Souchi, « presque dangereux », qui « hurle » et ordonne de « triquer du manifestant », c’est-à-dire, de les battre à coups de bâton. Une situation inquiétante qui n’est pas sans rappeler les images montrant la militante pacifiste, allongée à même le sol, la tête ensanglantée, son drapeau arc-en-ciel à ses côtés et enjambée par des policiers casqués.

 

La militante Geneviève Legay, à terre après avoir été bousculée par un policier, le 23 mars 2019, à Nice. © Valery HACHE/AFPLa militante Geneviève Legay, à terre après avoir été bousculée par un policier, le 23 mars 2019, à Nice. © Valery HACHE/AFP

 

Selon l’IGPN, « les ordres donnés par le commissaire divisionnaire Souchi, ne se caractérisent pas un manque de clarté et un aspect directif ». Ils sont « inadaptés » en particulier « lors de la charge effectuée […] au cours de laquelle Madame Legay a été poussée ».  

La stratégie proposée par les gendarmes, une vague de refoulement, au cours de laquelle les boucliers sont baissés et la force n’est pas employée, « aurait été une manœuvre d’une intensité proportionnelle à la situation ». Le vocabulaire alambiqué de l’IGPN est à la hauteur de son embarras. Pour autant, la police des polices ne peut ni soustraire le rapport de gendarmerie ni enterrer l’audition de son auteur, entendu dans le cadre de l’enquête judiciaire qui confirme le « non-respect de proportionnalité faisant suite à des sommations pas très claires ». En d’autres termes, l’illégalité de la charge. 

L’IGPN rappelle, néanmoins, le contexte au moment des faits. Outre la venue le lendemain du président Emmanuel Macron et de son homologue chinois dans le département, le premier ministre souhaitait, en réponse à la mobilisation des gilets jaunes, « que soit mise en œuvre une stratégie renforcée par le recours de nouveaux outils », « l’utilisation de drones », « le recours aux hélicoptères dotés de caméras de haute précision », ou encore « la répression de la participation à une manifestation interdite », instituant, dispositif inédit, une contravention de 135 euros. 

Les préfets établissent donc un arrêté portant sur l’interdiction de manifester sur un certain périmètre.

Pour autant, comme le relate auprès de l’IGPN le capitaine de gendarmerie, le jour de la mobilisation, à 7 h 45, « lors de la réunion de tous les responsables de police sur place et des chefs des commandants d’escadrons, un des commissaires présents a dit que les manifestations de gilets jaunes étaient calmes à Nice, sans casseur répertorié ».

« Il n’y a pas eu de consignes particulières pour cette manifestation », explique-t-il tout en précisant que « la volonté [du commissaire Rabah Souchi] à mon avis était d’interpeller le maximum de personnes ».

D’ailleurs, avant le début de la manifestation, alors que les escadrons de gendarmerie prennent position dans la ville, le commissaire Souchi annonce le ton de la journée. À l’une des lieutenantes, il « hurle que les gendarmes étaient là uniquement pour “triquer” du manifestant et sortir des véhicules uniquement pour “triquer” ». « Fortement choquée », elle a tenu à retranscrire ces propos auprès de sa hiérarchie. 

À 10 h 30, le capitaine H. arrive sur la place Garibaldi, l’un des principaux points de rassemblements de la ville, interdit ce jour-là, et où près de 200 manifestants « présentant une physionomie tranquille et pacifique » commencent à se retrouver.

« Une fois sur les lieux, j’ai constaté que deux pelotons sécurisent une nasse avec à l’intérieur quelques gilets jaunes très calmes. » Le capitaine est chargé de former une seconde nasse, en d’autres termes d’encercler un autre groupe de manifestants présents et à les confiner, afin de procéder à des interpellations. 

Auditionné par l’IGPN, le commissaire Souchi reconnaît lui-même que « les personnes qui se rassemblaient le faisaient dans le calme mais dans un périmètre interdit ». À ce moment-là, aucun ordre de disperser ne lui a été donné depuis la salle de commandement où était présent, notamment, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), Jean-François Illy. 

Il envisage alors, selon l’IGPN, de mettre en place un contrôle en vue de faire évacuer et verbaliser les personnes présentes. Une pratique toute singulière, puisque « l’infraction de participation à une manifestation interdite […] n’existait pas deux jours avant », concède-t-il lui-même. 

À 11 h 10, changement d’ambiance, selon le commissaire Souchi qui fait état « d’outrages » et qui reçoit l’ordre de dispersion du DDSP. « L’évolution de la situation qui a conduit à cette décision est que nous avons senti que la tension montait, et que les manifestants refusaient toute discussion. La décision du préfet répercutée par le DDSP vient du fait de l’existence de troubles à l’ordre public réels sur la place Garibaldi. » 

Le capitaine H « précise surtout que la foule était calme auparavant et que suite à l’interpellation musclée d’un individu assez âgé qui est tombé au sol à plat ventre […] cela a fait réagir les manifestants ». Dans le compte-rendu adressé à sa hiérarchie, il précise que cette interpellation se fait « sans raison valable ».

Le commissaire Souchi ne s’embarrasse pas de cette chronologie : « Le groupe de manifestants formé dans la nasse que j’encadrais a effectivement invectivé les forces de l’ordre par des propos comme “police assassins” avec beaucoup de sifflets et rien de plus », rapporte le capitaine de gendarmerie.

Geneviève Legay est alors décrite comme « très excitée […] Elle tenait un drapeau arc-en-ciel […]. Je l’avais remarqué dans la nasse par son énervement. Elle invectivait un de mes gendarmes en disant qu’elle voulait sortir pour aller voir l’homme interpellé qui avait chuté. » 

 

À 11 h 13, l’ordre de disperser est donné. Selon les gendarmes, « la physionomie était toujours calme ».

« Il m’a semblé que [les manifestants] étaient plus là pour faire valoir leur droit à manifester quitte à faire un peu de résistance passive mais l’attroupement à ce moment-là ne m’a pas semblé virulent », indique l’un d’entre eux auprès de l’IGPN.

Un policier rapporte également qu’ils « n’étaient pas agressifs physiquement. Ils n’ont pas lancé de projectiles ».

 

Principe de gradation dans l'emploi de la force, direction générale de la gendarmerie nationale.Principe de gradation dans l'emploi de la force, direction générale de la gendarmerie nationale.

 

À 11 h 27, la foule est toujours paisible. Les premières sommations sont faites. Le commissaire Souchi « est arrivé sur moi, en hurlant et m’a ordonné de charger une foule calme dans la direction [d’une] zone également interdite à la manifestation ». 

« Je me rends compte que nous refoulons les gens dans la mauvaise direction », raconte le capitaine H., une erreur du commissaire qui « ne se maîtrise plus ». Dans cette foule, Geneviève Legay agite son drapeau arc-en-ciel. « Elle déambulait normalement, dans la rue au milieu de ce groupe de manifestants », précise-t-il.  

« Au regard de la foule qui est calme, T1 110 [le commissaire] continue de dire dans son mégaphone de charger et de gazer, son ordre me paraît disproportionné au regard du comportement de la foule. […] J’ai donc refusé de faire une charge. » Le capitaine ordonne alors à ses hommes de ne pas y participer. 

Face à l’IGPN, il rappelle les fondamentaux de l’usage de la force : « Une charge implique l’usage des armes et donc des sommations à trois reprises sur l’usage de la force, ainsi qu’une situation le justifiant. Je précise que le fait de faire des sommations n’exonère pas du principe de nécessité et de proportionnalité. » 

La police des polices demande au gendarme « en tant qu’observateur de la scène » de décrire la charge, réalisée finalement par les policiers de la Compagnie départementale d’intervention (CDI). 

« Les policiers ont chargé immédiatement en courant […] Cela a duré quinze à vingt secondes tout au plus. Ils couraient à des vitesses différentes en venant au contact ou en percutant les personnes présentes. » Interrogé sur Geneviève Legay, le chef d’escadron ne peut « pas dire si elle a reçu un coup de matraque. Je pense qu’elle n’a pas eu le temps de réagir face à la rapidité de la charge »

« Une vague de refoulement », c’est-à-dire, « en marchant, sans emploi de la force » aurait donc été plus adaptée, selon lui. Témoins de cette charge, « nous sommes tous abasourdis », lâche le capitaine H. Les gendarmes ont d’ailleurs pris soin de filmer le déroulement de l’ensemble des opérations, en particulier, la charge des policiers blessant Geneviève Legay. 

Interrogé sur le choix de sa stratégie, le commissaire Rabah Souchi « tien[t] à dire qu’en la matière, il y a une obligation de résultat ». « La situation se tendait », il faisait face à des manifestants qui « chant[aient] La Marseillaise et refus[aient] de quitter les lieux », attitude qui justifie selon lui le recours à la force.

Catégorique, il affirme que cette manœuvre était, en toute logique, conforme à la situation, en rajoutant que, lorsqu’il a donné l’ordre de charger, il n’a pu « utiliser une fusée rouge, car nous étions en dessous des couloirs aériens ». 

Ne se souvenant plus si des Tonfas ou des matraques avaient été utilisés, cette charge, dit-il, était « effectuée au pas de marche », malgré les vidéos qui contredisent formellement sa version. 

Interrogé de nouveau par l’IGPN sur la nécessité d’une telle opération, il estime « qu’il appartient à celui qui s’expose de prendre en considération ces risques. On ne peut pas reprocher à un gardien d’un zoo qu’une personne se fasse mordre une main en passant celle-ci dans les barreaux d’une cage d’un animal dangereux » avant de conclure que selon lui, « l’avancée pédestre sans arme, c’est le niveau 0 d’une charge ». La proportionnalité de l’usage de la force semble être une considération fort éloignée des principes du commissaire. 

Ainsi que le relate un autre capitaine auprès de l’IGPN, « il m’a dit de façon assez virulente : “Quand j’ai décidé de l’emploi de la force et que j’ai fait les sommations, quand je vous dis on disperse, c’est on disperse, tant pis pour les manifestants, on matraque, c’est le cadre légal. Ne faites pas comme votre homologue qui a refusé d’appliquer mes directives. Il s’en expliquera avec le préfet”. » 

Malgré ces menaces, le gendarme explique avoir indiqué à M. Souchi « qu’il était hors de question de matraquer des gens qui n’étaient pas virulents et je lui rappelle que la réalisation des sommations ne nous exonère pas des principes de nécessité et de proportionnalité ».

« À aucun moment jusqu’à l’arrivée des secours, TI 110 [le commissaire Rabah Souchi – ndlr] ne s’est porté au niveau de la blessée pour prendre de ses nouvelles », écrit dans son rapport le capitaine de gendarmerie qui, après un énième comportement brutal du commissaire, « n’a qu’une hâte, c’est que tout cela s’arrête, car je commence franchement à réfléchir à me désengager […] après 3 heures 30 de galère. » 

Quelques mois plus tard, le 16 juin 2019, ainsi que le révélait Mediapart, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner récompensait le commissaire Rabah Souchi et sa compagne Hélène Pedoya. Cette promotion exceptionnelle de médaillés était officiellement nommée « gilets jaunes ».

 

Hélène Pedoya reste d’ailleurs la grande absente de l’enquête de l’IGPN qui, étrangement, a choisi de ne pas l’auditionner. Pourtant, cette commissaire divisionnaire en charge de l’enquête préliminaire sur l’origine des blessures de Geneviève Legay a également participé au maintien de l’ordre le jour des faits.

Lors de son audition, son compagnon, Rabah Souchi, le précise d’ailleurs sans que cela ne lui pose le moindre problème. Ainsi qu’il l’affirme, le jour des faits, aux alentours de 10 h 40, sur la place Garibaldi, il a fait venir « le commissaire Pedoya pour procéder à une seconde bulle », un encerclement bloquant une partie des manifestants. Moins d’une heure après, sur cette même place, la charge qu’il a ordonnée, blesse Geneviève Legay. Activement présente, la commissaire divisionnaire Hélène Pedoya ne s’est pourtant pas déportée de l’enquête qui lui a été confiée, le jour même, par le procureur de la République. 

Elle a même, en orientant les premières investigations vers les journalistes présents à la manifestation, corroboré la version mensongère de son compagnon, Rabah Souchi. Ce dernier, dans son compte rendu des opérations du 23 mars à 22 h 48, attestait : « une chute en lien avec la présence d’un photographe s’accroupissant pour prendre un cliché des manifestants […] la manifestante [Geneviève Legay] trébuchait à ce moment-là. » 

 

Les deux commissaires divisionnaires, le 23 mars 2019, place Garibaldi, à Nice. © Document MediapartLes deux commissaires divisionnaires, le 23 mars 2019, place Garibaldi, à Nice. © Document Mediapart

 

Ce conflit d’intérêts majeur qui a valu la mutation du procureur de la République de Nice (à lire ici) n’interpelle absolument pas l’IGPN. 

« Nous attendons depuis maintenant trop longtemps que la juge d’instruction en charge de l’affaire tire les conclusions de son enquête, explique l’avocat de Geneviève Legay, Arié Alimi, auprès de Mediapart. À ce jour, elle a refusé au défenseur des droits l’accès au dossier. »

Concernant les commissaires divisionnaires Rabah Souchi et Hélène Pedoya, l’avocat déplore qu’ils ne soient « inquiétés ni par l’intérieur ni par la justice. Cela s’apparente désormais à de la protection forcenée ». 

Que ce soit le ministère de l’intérieur qui s’était engagé à retirer les décorations en cas de manquement grave, la Direction générale de la police nationale (DGPN) au sujet d’éventuelles mesures disciplinaires, ou encore la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) qui n’a pas spontanément communiqué les éléments en sa possession à la justice : tous ont refusé de répondre aux questions de Mediapart.

  • Les neuf dates-clés de l’affaire Geneviève Legay

 

© Mediapart
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21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 05:59

Des policiers racistes se sont livrés à des actes de maltraitance pendant plus de deux ans dans les geôles du tribunal de grande instance de Paris, ainsi que l’a révélé StreetPress, sans que leurs supérieurs, pourtant alertés, n’y mettent fin. Mediapart a pu avoir accès à l’enquête administrative rendue en janvier, dans laquelle l’IGPN s’efforce de minimiser les faits, pourtant accablants, et épargne la hiérarchie policière.

 

 

insi qu’il l’expliquait à StreetPress (à lire ici et ), devant l’inertie de sa hiérarchie à sanctionner ces violations, le brigadier-chef Amar Benmohamed, responsable de l’unité de transfèrement nuit (UTN), a décidé de dénoncer, publiquement, les comportements racistes, les actes de maltraitance et les vols de certains policiers, au sein du tribunal de Paris. Durant plus de deux ans, ces faits se sont déroulés au dépôt du tribunal de Paris, où plus d’une centaine de cellules accueillent des personnes en attente de comparution ou d’autres déjà incarcérées.

 

Tribunal de grande instance de Paris. © AFP

Le 28 juillet, à la suite de ces révélations, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique », « injures publiques en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion » et « injures publiques en raison du sexe et de l’orientation sexuelle ».

En juillet, lors des révélations du brigadier-chef, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, lui a reproché, non sans un certain cynisme, de n’avoir pas réagi plus tôt. Interrogé, le 30 juillet, à l’Assemblée nationale par un député LREM, le ministre lançait : « Le brigadier Benmohamed a dénoncé […], avec retard, c’est d’ailleurs ce qui lui est reproché […], ses camarades qui auraient, je mets du conditionnel mais les faits reprochés sont graves, énoncé des insultes à caractère sexiste, homophobe et raciste. » 

En réalité, Amar Benmohamed a alerté sa hiérarchie dès mai 2017. À plusieurs reprises, il avise des majors. Las, il alerte le lieutenant en octobre 2018. Cet officier de police judiciaire ne fait aucun signalement des délits que lui rapporte le brigadier-chef. En mars 2019, Amar Benmohamed rédige un rapport. Ce qui ne sera pas sans conséquence pour lui. 

À la suite de ses écrits, la préfecture de police saisit l’IGPN pour mener une enquête administrative, à l’issue de laquelle, en janvier 2020, des sanctions disciplinaires, toujours à l’étude, sont proposées à l’encontre de ce lanceur d’alerte. Pourquoi préconiser des sanctions à l’encontre de celui qui dénonce de graves manquements aux règles de déontologie, des propos racistes, voire des actes de violences ? 

Les auteurs des délits n’ont, quant à eux, toujours pas été sanctionnés, à ce jour. L’IGPN se contentant de préconiser quelques avertissements et un conseil de discipline. L’enquête de l’IGPN que nous révélons montre pourtant bien que de nombreux policiers ont confirmé les faits dénoncés par Amar Benmohamed, même si leur hiérarchie cherche à en minimiser la portée.

En effet, les recommandations émises par la police des polices attestent, une fois encore, de sa bienveillance à l’égard des siens, afin de mieux les protéger. Pour des raisons fallacieuses, l’IGPN préfère proposer des sanctions administratives à l’encontre de ceux qui dénoncent les dérives policières, comme Amar Benmohamed, dissuadant de la sorte tous ceux qui voudraient prendre le même chemin. 

Pour autant, dans ce rapport, les pratiques souvent grossières de l’IGPN ne parviennent pas à faire oublier la gravité des faits, qui ressort des différents témoignages de policiers auditionnés.  

Plusieurs fonctionnaires, sept environ, de l’une des brigades de nuit participeraient à ces délits, mais l’enquête se concentre essentiellement sur quatre agents qui semblent agir en toute impunité à l’intérieur du dépôt. Lors de son audition par l’IGPN, un major présente l’une d’elles comme « un boute-en-train »« au langage “fleuri” ». Étrange conception de la déontologie lorsque, quelques lignes plus loin, on apprend qu’elle insulte les déférés de « bougnoule »« négro », « clochard » ou « pouilleux », tandis qu’un autre policier l’entend dire : « C’est la merde, votre ramadan, tu mangeras pas. »

« Bâtard », c’est ainsi qu’elle s’adresse régulièrement aux déférés. Auditionnée par l’IGPN, cette policière reconnaît les traiter ainsi, voire même d’« enculés », mais, selon elle, « seulement entre collègues », pensant ainsi minimiser les faits. Qu’elles soient proférées à l’encontre de personnes ou employées entre policiers, ces injures racistes et homophobes sont passibles de poursuites pénales et administratives. 

Difficile de minimiser ou de masquer les faits. Au cours des différentes auditions de policiers travaillant au dépôt, les témoignages accablent ces policières. L’un des agents explique avoir dû intervenir à « deux reprises lors d’incidents », notamment lorsque l’une d’entre elles « avait traité avec virulence un déféré de “bâtard” et “d’enculé” ». Mise à l’écart, elle « était revenue, recommençant à insulter le déféré : “Vas-y, regarde-moi, espèce d’enculé !” »

Une autre fois, elle interpelle un prévenu : « Oui, c’est à toi que je parle, le bougnoule, c’est bien toi le seul Arabe ici. » Ou encore : « Moi, je ne te fouille pas, je ne suis pas là pour attraper des maladies. »

Insultes racistes, homophobes, agressivité voire menaces. L’un des policiers rapporte auprès de l’IGPN « des propos empreints de violence et de menaces, tels que : “C’est comme ça, ferme ta gueule”, “Si tu es là, c’est que tu l’as mérité”, “Si c’est comme cela, tu peux crever ou tu peux mourir, tu n’auras pas à manger” ». 

Certains déférés sont ainsi privés de repas, voire de la visite d’un médecin. Parfois, il s’agit de mesures purement discriminatoires de la part de certains policiers qui, selon certains échanges rapportés auprès de l’IGPN, « ne souhaitaient pas que leurs impôts servent à payer le déplacement du médecin ».

D’autres fois par « pure feignantise »« Les effectifs n’aimaient pas effectuer cette mission qui les contraignait à rester en statique près du local médical », précise l’un des policiers auprès de l’IGPN. Pour éviter de le faire, les agents demandent donc aux personnes détenues en cellule : « “Est-ce que tu es malade ?” au lieu de : “Voulez-vous voir un médecin ?” »

Selon l’IGPN, du brigadier au lieutenant en passant par les majors, la hiérarchie, qui n’ignorait pas cette situation, « s’est trouvée en difficulté face au comportement de certains effectifs qui avaient résisté à toute forme d’intervention hiérarchique ».

Les interventions des chefs se résument à de simples recadrages, une demande de blâme (la plus minime des sanctions avec l’avertissement) ou à des rappels de consignes par mails ou lors de réunions et cela essentiellement à partir de janvier 2019. 

 

Aucun conseil de discipline n’est exigé par la hiérarchie. Cette absence de réaction témoigne d’un laisser-faire, voire de l’adhésion à une situation pourtant illégale, par les responsables de cette brigade. Mais, selon l’IGPN, reprenant l’argumentation de ces haut-gradés, il y a des explications qui permettent de justifier qu’une telle situation puisse perdurer plus de deux ans. Les effectifs auraient mal interprété les règles. 

« La faculté d’appréciation laissée aux effectifs par – les consignes générales – avait pu avoir des conséquences inacceptables telles que, par exemple, la privation d’alimentation ou de visite médicale. » En d’autres termes, les policiers n’auraient pas perçu que les personnes détenues doivent s’alimenter ou puissent avoir accès à un médecin. 

C’est ainsi que l’IGPN rapporte tout naturellement que « de manière générale les membres de la hiérarchie intermédiaire reconnaissaient avoir constaté des problèmes qu’ils reliaient le plus souvent non pas à une volonté de priver les déférés de leurs droits mais plutôt à des circonstances particulières, à des comportements individuels inadaptés ou encore à une mauvaise application des règles pourtant régulièrement rappelées ».

Il arrive aussi que des policiers tiennent des propos racistes. Là encore, selon l’IGPN, les circonstances permettraient de l’expliquer. « La hiérarchie intermédiaire entendue à ce sujet reconnaissait être au courant d’un certain nombre de ces faits, même si elle les contextualisait, expliquant que les propos étaient tenus hors de la présence des déférés et dans des cas où les déférés avaient été agressifs. »

Il en va de même pour des pratiques punitives à l’égard des déférés qui sont, là encore, admises. Exemple avec ce major qui, auprès de l’IGPN, « fait état d’une pratique qui consistait, pour certains fonctionnaires, à reporter le repas d’un déféré avec lequel la situation avait été conflictuelle (“tu mangeras plus tard”) ». 

 

Le brigadier-chef Amar Benmohamed, juillet 2020. © AFP
Au fil des auditions, on constate l’acceptation de pratiques discriminatoires, voire de maltraitances à l’égard de personnes que les policiers trouvent finalement naturel de priver de certains droits fondamentaux, en raison de leur origine et de leur statut de déféré. 

 

Ainsi, concernant le comportement agressif de l’une des policières, et non sans une étonnante contradiction, l’IGPN estime que « la hiérarchie du gardien n’était pas restée inactive, mais s’en était tenue aux entretiens informels, sans lui demander la rédaction de rapports et sans initier d’enquête administrative ».

Un major explique avoir entendu « sa subordonnée crier dans le bureau des gradés, vociférer et tutoyer les personnes ». Là encore, il n’a pas jugé nécessaire de demander de sanction. 

Autre illustration d’assentiment à ces dérives, un major rapporte auprès de l’IGPN qu’« il ne lui avait pas été possible de réagir systématiquement aux comportements inappropriés [de ce] gardien de la paix car il lui aurait fallu la recevoir “tous les jours” et aller quotidiennement à l’affrontement ».  

« Sur le plan administratif, l’enquête a mis en lumière des manquements professionnels et des comportements contraires à la déontologie policière », conclut l’IGPN, en se gardant bien d’employer les termes de racisme, d’homophobie ou de maltraitance. 

À l’encontre des quatre gardiens de la paix, elle préconise un avertissement, des alternatives aux poursuites administratives, un blâme et un conseil de discipline. Quant au lanceur d’alerte, elle suggère qu’il écope d’un avertissement (sanction la plus basse et non inscrite dans le dossier du fonctionnaire). La hiérarchie, elle, n’est pas visée par des sanctions.

 

Ce rapport a été remis à la préfecture en janvier 2020. Contactée par Mediapart, la préfecture de police refuse de préciser si des sanctions ou suspensions ont été prises à l’égard des agents, se retranchant derrière le secret de l’enquête préliminaire ouverte par le parquet en juillet. Alors que le dépôt se situe au sein même du tribunal de Paris, la préfecture n’a pas estimé nécessaire de transmettre, lors de la clôture de l’enquête, le rapport de l’IGPN au parquet. 

Contacté par Mediapart, le parquet précise avoir ouvert une enquête préliminaire à la suite des révélations dans la presse du brigadier-chef Amar Benmohamed. Elle devrait chapeauter d’autres enquêtes qui avaient été précédemment ouvertes, à la suite de signalements sur des faits similaires, explique le parquet sans apporter plus d’information sur la nature de ces faits ou sur les auteurs de ces signalements. Il s’agit désormais de vérifier l’ampleur des dérives dénoncées par le brigadier-chef. Depuis le 8 août, et après un arrêt maladie, Amar Benmohamed a repris le travail. 

 

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4 juillet 2020 6 04 /07 /juillet /2020 00:42

Le 2 juillet 2020

L’Association Toxicologie-Chimie de Paris publie un rapport sur « l’utilisation du gaz lacrymogène CS et ses effets toxiques à plus ou moins long terme ». « L’Obs » a interrogé l’un de ses auteurs, le professeur Alexander Samuel.

Après plus d’un an de travail, ses recherches, débutées lors des mobilisations des « gilets jaunes », sont enfin réunies dans un rapport de 126 pages [PDF], publié par l’Association Toxicologie-Chimie de Paris.

Alexander Samuel a écumé les manifestations pour conduire des analyses de sang et d’urine, afin de démontrer la présence de cyanure dans le gaz lacrymogène, et d’en étudier les conséquences sur la santé, comme il le raconte dans la vidéo ci-dessous :

Si la question de la nocivité des gaz lacrymogènes s’est déjà posée ailleurs dans le monde, l’intérêt de ce rapport réside dans la synthèse des différentes études.

D’autant qu’une partie de ces études ne sont pas accessibles « car réservées au domaine militaire », pointe André Picot, président de l’Association Toxicologie-Chimie et coauteur du rapport.

Alexander Samuel commence à s’intéresser à la présence de cyanure en taux anormalement élevés dans l’organisme après l’exposition aux gaz lacrymogènes il y a plus d’un an.

Ce professeur de mathématiques pensait alors démonter une fake news « en cliquant deux fois sur internet ».

"« Je me suis rendu compte que non. Il n’y a évidemment pas de cyanure dans le gaz lacrymogène, mais il se métabolise dans le corps humain en deux molécules de cyanure. Même à petite dose, il peut provoquer des dégâts sur la santé, au niveau des yeux, du système nerveux central. »"

« Symptômes sur le plus long terme »

Le rapport, dont « l’Obs » a publié les conclusions en exclusivité, détaille les pathologies qui peuvent en découler, comme des cataractes aux yeux, mais aussi des symptômes tels que des maux de tête, des paralysies, de la gêne respiratoire mais aussi des dommages thyroïdiens, gastro-intestinaux (nausées et vomissements, diarrhées), musculo-squelettiques (rigidité musculaire), hépatiques…

Comme il le raconte dans l’interview vidéo en tête d’article, Alexander Samuel a également participé à une étude menée par des « gilets jaunes », pour évaluer les symptômes à long terme du gaz lacrymogène.

"« On a trouvé beaucoup de monde qui fait des malaises, des vertiges, etc. […] Ces personnes avaient des effets persistants au niveau du système nerveux central, ou des symptômes qui apparaissaient sur le plus long terme. On a également découvert des symptômes peu connus. Par exemple, beaucoup de femmes se sont plaintes d’avoir des règles très abondantes après gazage. Là-dessus, tout est à découvrir. »"

Dangereux même en milieu ouvert ?

La dangerosité des gaz lacrymogènes est sous-estimée, souligne le docteur en biologie, pointant l’utilisation massive par la police de ces gaz, qui restent considérés comme des armes chimiques dans le cadre du droit international, et interdits dans le cadre de guerre entre pays.

Si la dangerosité des gaz lacrymogènes est établie en milieu confiné (en 2014, en Egypte, des grenades lacrymogènes tirées à l’intérieur d’un camion transportant des prisonniers ont provoqué la mort de 37 détenus), la faible concentration en milieu ouvert ne comporterait pas de danger.

« Le problème, c’est si l’on utilise 30 ou 50 grenades en quelques minutes. Dans ce cas, ça peut être dangereux quand même », fait valoir Alexander Samuel.

Il espère que les autorités se saisiront de son travail pour déclassifier des études plus détaillées sur les effets à long terme de l’exposition au lacrymogène, dont les policiers pourraient être les premières victimes.

« Il y a sans doute d’autres façons de faire du maintien de l’ordre », veut-il croire.

Source :
https://www.nouvelobs.com/societe/20200702.OBS30797/la-dangerosite-du-gaz-lacrymogene-cs-est-sous-estimee.html

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 13:22

Le 26 juin 2020

Dénoncée par certains avocats et défendue par les forces de l'ordre, l'infraction d'outrage à agent fait débat. Les uns dénoncent des abus, les autres veulent mettre en garde contre les raccourcis.

"Demande-lui si 'bande de clowns', c'est un outrage !".

Lors du contrôle de police du livreur Cédric Chouviat, le 3 janvier 2020, un des policiers a voulu savoir si les paroles prononcées par ce père de famille de 42 ans relevaient de l'outrage à agent.

L'avocat de la famille de Cédric Chouviat, Arié Alimi, est revenu sur ce délit au cours d'une conférence de presse mardi 23 juin.

Il a dénoncé un "chantage à l'outrage qui est provoqué à chaque fois que des personnes sont contrôlées. Les fonctionnaires de police (...) savent qu'il y a une dissymétrie [du rapport de force] et qu'ils peuvent les poursuivre pour outrage". "Il y a une provocation à l'outrage. L'infraction d'outrage crée de la violence, crée des blessés, crée des morts en France", a ajouté Arié Alimi.

A la suite de ce contrôle et de cette interpellation, Cédric Chouviat est mort dans la nuit du samedi 4 au dimanche 5 janvier.

Une issue qui interroge sur cette infraction pointée du doigt par certains avocats et défendue par les forces de l'ordre.

Lire la suite :
https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/violences-policieres/quatre-questions-sur-le-delit-d-outrage-a-agent-au-coeur-du-debat-sur-les-violences-policieres_4021711.html

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 13:14

Le 2 juillet 2020

Quelque 370 personnes ont été arrêtées mercredi moins de 24 heures après la promulgation du texte.

Pékin n’aura donc pas tardé à se montrer ferme. Moins de 24 heures après l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale imposée à Hong Kong, la police a procédé aux premières arrestations en vertu de ce texte.

Promulguée mardi par le président chinois Xi Jinping, cette législation fait craindre à l’opposition hongkongaise un recul des libertés inédit depuis la rétrocession à la Chine par le Royaume-Uni de ce territoire en 1997.

23e anniversaire de la rétrocession

Parmi les quelque 370 personnes arrêtées mercredi par les forces de l’ordre, dix l’ont été pour violation présumée de la loi sur la sécurité nationale, tandis que des milliers de Hongkongais se sont rassemblés pour marquer le 23e anniversaire de la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine.

Ce rassemblement avait été interdit il y a quelques jours par les autorités, pour la première fois en 17 ans.

La police a fait usage de canons à eau, de gaz poivré et lacrymogène pour les disperser.

Beaucoup d’entre eux scandaient des slogans en faveur de l’indépendance.

« Ce que ce régime autoritaire veut faire, c’est terroriser le peuple et l’empêcher de sortir », a affirmé Chris To, un manifestant de 49 ans.

Selon la police, sept policiers ont été blessés, dont un poignardé à l’épaule au moment où il tentait de procéder à une arrestation.

Carrie Lam se félicite de la loi

Mercredi matin, au cours de la traditionnelle cérémonie du lever du drapeau qui marque l’anniversaire de la rétrocession, la cheffe de l’exécutif hongkongais fidèle à Pékin, Carrie Lam, a salué cette loi qui constitue selon elle « l’événement le plus important dans les relations entre le gouvernement central et Hong Kong depuis la rétrocession ».

Elle permet de réprimer quatre types de crimes contre la sécurité de l’Etat : subversion, séparatisme, terrorisme et collusion avec des forces extérieures.

Dans certains cas, la loi prévoit que la justice chinoise soit compétente et inflige des peines allant de 10 ans d’emprisonnement jusqu’à la prison à vie pour les auteurs des crimes les plus graves.

De nombreux pays occidentaux, parmi lesquels 27 membres du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, ont condamné ce texte, redoutant qu’il n’entraîne la répression de toute opposition politique.

Les Etats-Unis ont menacé la Chine de représailles, promettant de ne pas « rester les bras croisés ».

La Chambre des représentants américaine a approuvé dès mercredi à l’unanimité un texte qui prévoit des sanctions automatiques contre les responsables chinois qui violent les obligations internationales de la Chine en faveur de l’autonomie de Hong Kong.

Ce texte étant légèrement différent de celui qui avait déjà été approuvé par le Sénat le 25 juin, là aussi à l’unanimité, il sera soumis jeudi à un nouveau vote à la chambre haute.

Source :
https://www.20minutes.fr/monde/2812923-20200702-hong-kong-arrestations-vertu-loi-securite-commence

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 10:06

Le 18 juin 2020

Jugeant certaines dispositions attentatoires à la liberté d'expression, le Conseil constitutionnel a censuré jeudi le coeur de la loi Avia contre la haine en ligne, une "grande victoire" pour les associations du net et une "lourde défaite" de la majorité, selon les oppositions.

Dans le droit fil de l'engagement d'Emmanuel Macron depuis 2018 à renforcer la lutte contre la haine raciste et antisémite qui prospère sur internet, le texte porté par la députée LREM Lætitia Avia prévoyait pour les plateformes et moteurs de recherche l'obligation de retirer sous 24 heures les contenus "manifestement" illicites, sous peine d'être condamnés à des amendes allant jusqu'à 1,25 million d'euros.

Le Conseil a considéré que cette mesure pouvait "inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu'ils soient ou non manifestement illicites".

Il a ainsi considéré que "le législateur a porté à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi".

Le Conseil constitutionnel a également censuré la disposition prévoyant un retrait en une heure pour les contenus terroristes ou pédopornographiques en cas de notification par les autorités publiques.

Ces deux censures entraînent mécaniquement celle d'autres articles du texte, par effet domino.

Le ministère de la Justice a indiqué dans la soirée que le gouvernement prenait "acte de la décision" et "étudiera la possibilité de retravailler ce dispositif".

"Je sais que c'est un combat de longue haleine et qui demande une prise de conscience. C'est devenu un débat de société, le sujet n'est plus minoré, ce qui est positif", a réagi Mme Avia auprès de l'AFP.

Philippe Latombe (MoDem), unique député de la majorité à avoir voté contre le texte, a lui regretté "l'énergie et le temps dépensés à un dispositif législatif mort-né" après avoir cherché en vain à attirer l'attention "sur les faiblesses du dispositif proposé, sur ses effets pervers et contre-productifs, sur son inconstitutionnalité".

"La loi est décapitée sur la place publique", s'est félicité auprès de l'AFP Bruno Retailleau, le chef de file des sénateurs LR.

Ceux-ci avaient déposé un recours au nom de la défense de la "liberté d'expression".

"On ne doit pas confier aux Gafa le pouvoir exorbitant de privatiser la censure et d'entraver la liberté d'expression", a-t-il réaffirmé.

La décision des Sages est "une victoire pour les amoureux de la liberté" et "un désaveu pour tous ceux qui font profession de bien-pensance", a-t-il ajouté.

Le gouvernement "désavoué"

Outre LR, extrême gauche et extrême droite s'étaient prononcés contre ce texte au Parlement.

"Le gouvernement se heurte à l'État de droit", a réagi la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, pour qui la loi Avia "portait une atteinte sans précédent à la liberté d'expression".

"Lourde défaite pour (la ministre de la Justice Nicole) Belloubet. La volonté liberticide en échec", a tweeté le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.

Selon une marcheuse, "le gouvernement n'a jamais été à l'aise avec ce texte", qui avait suscité de nombreuses réserves au-delà du monde politique, notamment du Conseil national du numérique, de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, ou encore de la Quadrature du Net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique.

Cette dernière a salué jeudi "une grande victoire collective à l'issue de plus d'un an de lutte".

"Le Conseil constitutionnel a désavoué le gouvernement dans l'ensemble de sa stratégie numérique, qui est complétement dépassée. Ce n'est pas comme ça qu'on régule internet", a déclaré à l'AFP Arthur Messaud, juriste à la Quadrature du Net.

"Le droit a eu le dernier mot !", s'est félicité Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, tandis que l'Association des services internet communautaires (Asic), qui compte Google et Facebook parmi ses membres, poussait "un grand soupir de soulagement".

En revanche, le grand rabbin de France Haïm Korsia a regretté une décision "qui illustre manifestement les errements de notre société pour combattre efficacement et avec une détermination absolue ce fléau".

Il "demande instamment que tous les moyens soient mis en oeuvre pour lutter contre la haine, comme cette loi le prévoyait".

Source :
https://www.lepoint.fr/societe/haine-en-ligne-la-loi-avia-censuree-au-coeur-une-grande-victoire-pour-ses-detracteurs-18-06-2020-2380723_23.php

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 01:10

Le 23 juin 2020

Les rédactions de Mediapart et de La Revue dessinée unissent leurs forces pour rompre le silence sur la violence d’État dans un hors-série exceptionnel. Commandez dès à présent votre exemplaire.

Un homme qui crie sept fois « j’étouffe » avant de mourir lors d’un banal contrôle routier.

Des lycéens agenouillés les mains derrière la tête. Des pompiers frappés par des policiers.

Des soignantes traînées au sol par les forces de l’ordre.

Des « gilets jaunes » mutilés.

Des actes, des paroles et des écrits racistes banalisés.

Des rassemblements noyés sous les gaz lacrymogènes et victimes des LBD.

Une police des polices qui enterre les dossiers.

Et des familles endeuillées, qui ne demandent qu’une chose depuis des années : « justice et vérité ».

Face à cela ? Un déni, un outrage même, prononcé par le président de la République en personne : « Il n’y a pas de violences policières. »

Raconter les vies brisées, décrypter la fabrique de l’impunité, remonter les chaînes de responsabilité, voilà qui devient une nécessité, que ce soit écrit, filmé ou dessiné.

D’où ce hors-série exceptionnel Mediapart/La Revue dessinée, à mettre sous les yeux de tous ceux qui veulent comprendre, et de tous ceux qui détournent le regard.

Vous pouvez dès à présent commander votre revue ici, elle vous sera livrée la semaine du 13 juillet en avant-première.
Sortie en librairie : 30 septembre 2020.

Au sommaire :

160 pages d’enquête en bande dessinée.
Avec : Marion Montaigne, Assa Traoré, David Dufresne, Fabien Jobard, Pascale Pascariello, Vanessa Codaccioni, Camille Polloni, Louise Fessard, Claire Rainfroy, Benjamin Adam, Vincent Bergier, Michel Forst, Aurore Petit, Thierry Chavant, Géraldine Ruiz.

* Accuser le coup
L’affaire Geneviève Legay : une charge, des révélations en série, de l’embarras, des médailles et du déni.

* Colère noire
Après le meurtre de George Floyd aux États-Unis, plongée dans le mouvement Black Lives Matter, de l’étincelle à l’embrasement.

* Corriger le tir
Sourde aux critiques qui lui sont adressées, la France est l’un des rares pays européens à utiliser sans réserve les LBD.

* La vie volée de Maria
Après un déchaînement de violence contre une jeune femme, la police des polices protège les siens.

* Le flic du futur
Drones, robots et policiers augmentés... Au salon Milipol se dessine l’avenir high-tech des forces de l’ordre.

* Plusieurs entretiens au fil du numéro
Assa Traoré, Fabien Jobard, Vanessa Codaccioni, David Dufresne et Michel Forst.

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 07:26

Par David Dufresne, 13 juin 2020

Plongée dans la fabrique de l’impunité

Allô Place Beauvau se transforme et s’étend. Allô Place Beauvau a permis pendant dix huit mois de signaler, vidéos à l’appui, les violences policières lors des manifestations (mouvement des « gilets jaunes », pompiers, retraites, lycéens). La plateforme s’élargit et intègre à présent ces violences hors manifestations ainsi que la façon dont elles sont traitées par l’IGPN.

Lire la suite :
http://www.davduf.net/allo-igpn-que-fait-vraiment-la-police-des-polices

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 05:48

Le 13 juin 2020

Le juge des référés du Conseil d’État estime que l’interdiction de manifester n’est pas justifiée par la situation sanitaire actuelle lorsque les « mesures barrières » peuvent être respectées.

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire instauré pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’article 3 du décret du 31 mai 2020 interdit les rassemblements, réunions ou activités réunissant plus de dix personnes dans l’espace public.

Divers associations et syndicats ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre l’application de cette interdiction pour les manifestations dans l’espace public.

Le juge des référés relève que le Haut Conseil de la santé publique ne préconise, dans ses recommandations du 24 avril 2020, aucune restriction à la circulation dans l’espace public tant que les « mesures barrières » sont respectées (distanciation d’un mètre ou port du masque notamment), et qu’une reprise de l’épidémie n’est pas constatée. Alors que la liberté de manifester est une liberté fondamentale, le juge des référés en déduit que, sauf circonstances particulières, l’interdiction des manifestations sur la voie publique n’est justifiée par les risques sanitaires que lorsque les « mesures barrières » ne peuvent être respectées ou que l’événement risque de réunir plus de 5 000 personnes.

Le juge rappelle par ailleurs que, conformément à la loi, toute manifestation sur la voie publique doit faire l’objet d’une déclaration préalable à la mairie ou la préfecture, et qu’elle peut être interdite par les autorités de police ou le préfet, s’ils estiment qu’elle est de nature à troubler l’ordre public, y compris pour des motifs sanitaires, ou lorsque les circonstances locales l’exigent.

En conséquence, le juge des référés suspend l’exécution de l’article 3 du décret du 31 mai 2020, pour les manifestations sur la voie publique soumises à l’obligation d’une déclaration préalable.

> Télécharger le communiqué de presse au format pdf

> Lire l'ordonnance de jugement
 
> Retrouvez l'ensemble des ordonnances liées au COVID-19

Source :
https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/le-juge-des-referes-du-conseil-d-etat-suspend-l-interdiction-generale-et-absolue-de-manifester-sur-la-voie-publique

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 05:39

Le 15 juin 2020
« La technique dite de l’étranglement continuera d’être mise en oeuvre avec mesure et discernement », selon le directeur général de la police nationale.

 

La technique controversée dite de « l’étranglement », dont l’abandon annoncé par Christophe Castaner a suscité la colère des policiers, « continuera d’être mise en œuvre » jusqu’à ce qu’une nouvelle technique d’interpellation soit définie, a indiqué, ce lundi, Frédéric Veaux, le chef de la police nationale.

« Dans l’attente de la définition d’un nouveau cadre et dans la mesure où les circonstances l’exigent, la technique dite de l’étranglement continuera d’être mise en œuvre avec mesure et discernement et sera remplacée au fur et à mesure de la formation individuelle dispensée (…) », écrit le directeur général de la police nationale (DGPN), dans une note de service.

« C’était une méthode qui comportait des dangers »

Frédéric Veaux précise qu’un groupe de travail sera installé mercredi prochain « pour définir une technique de substitution ».

Il rendra ses conclusions « avant le 1er septembre ».

Le patron de la police nationale rappelle, par ailleurs, que « la "prise arrière" pour immobiliser la personne debout ou l’entraîner au sol afin de la menotter est toujours enseignée et appliquée ».

L’annonce de l’abandon de la clé d'« étranglement » par Christophe Castaner, le 8 juin, avait provoqué la colère des syndicats de police et des agents sur le terrain.

« La méthode de la prise par le cou, dite de l’étranglement, sera abandonnée et ne sera plus enseignée dans les écoles de police et de gendarmerie. C’était une méthode qui comportait des dangers », avait affirmé Christophe Castaner, lors d’une conférence de presse.

Source :
https://www.20minutes.fr/societe/2800363-20200615-police-conserve-cle-etranglement-attendant-autre-technique-interpellation

 

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 05:06

Le 15 juin 2020

Loin de se limiter au recensement des contacts « à moins d’un mètre pendant au moins quinze minutes », l’application mise en place par le gouvernement collecte, et transfère le cas échéant au serveur central, les identifiants de toutes les personnes qui se sont « croisées » via l’appli. De près ou de loin.

Sur le papier, c’est très clair.

Si vous avez téléchargé l’application StopCovid, que vous êtes atteint par le virus et que vous le déclarez dans l’appli, alors les données transmises au serveur central seront celles des personnes avec lesquelles vous avez été en contact « à moins d'un mètre pendant au moins 15 minutes », et qui disposent aussi de l’application.

Les personnes seront alors prévenues qu’elles ont rencontré quelqu’un susceptible de leur avoir transmis le virus.

Ce critère de distance et de durée, moins d’un mètre pendant plus d’un quart d’heure, est l’objet unique d’un arrêté du 30 mai 2020, qui lui-même précise le décret du 29 mai relatif à l’application.

Le décret encadre le « traitement de données » effectué par l’application.

En clair, il constitue l’assise légale de son fonctionnement.

Sans être aussi précis, c’est ce principe qu’avait expliqué Cédric O au mois d’avril, dans un entretien au journal Le Monde : « Lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l’un enregistre les références de l’autre dans son historique », historique qui sera transmis au serveur central si la personne se déclare porteuse du virus.

C’est ce qu’indique aussi la foire aux questions StopCovid mise en ligne par Bercy (ministère de tutelle du secrétariat d’État au numérique) : « Lorsque deux téléphones se croisent pendant au moins 15 minutes à moins d’un mètre, chacun enregistre l’autre dans l’historique de son application de manière cryptée. »

Le problème, c’est que les choses ne se passent pas vraiment comme ça.

Comme l’ont découvert des informaticiens un peu curieux, et comme le secrétariat d’État au numérique l’a confirmé à Mediapart, la collecte des données est beaucoup plus large que ce que prévoit l’arrêté. 

Beaucoup plus large, aussi, que ce que tout le monde avait donc cru comprendre au vu de la campagne de communication du gouvernement, campagne dont témoigne encore ce tweet de Cédric O, qui relaie « les explications pédagogiques du JT de @France2tv »

Le sujet du 20 heures explique très clairement, images à l’appui, que l’appli va enregistrer les contacts rapprochés, selon le critère « une distance de moins d’un mètre pendant plus de quinze minutes ».

Gaëtan Leurent est chercheur en cryptographie à l’Inria, l’Institut national de recherche en informatique auquel le gouvernement a confié le pilotage du projet StopCovid.

Il est aussi l’un des coauteurs du site risques-traçage.fr, qui a très tôt exposé un à un les dangers d’une application de contact tracing telle que StopCovid sous le titre « Le traçage anonyme, dangereux oxymore ».

« Depuis, explique-t-il à Mediapart, on a suivi ce qui se passe avec le déploiement. »

Deux points connexes l’ont intrigué particulièrement : comment la distance entre deux appareils est-elle calculée, et quelles sont les informations envoyées quand on se déclare malade. Il a donc mené des expériences.

En plaçant deux téléphones à une distance de cinq mètres l’un de l’autre, séparés par un mur et pendant seulement quelques secondes, il s’est aperçu que ce « contact » entre les deux appareils, sans intérêt épidémiologique, était pourtant envoyé au serveur central s’il se déclarait porteur du virus.

Et c’est bien là le hic. Interrogé par Mediapart, le secrétariat d’État au numérique confirme que « StopCovid repose sur la remontée de l’historique de proximité d'un utilisateur diagnostiqué positif : cet historique de proximité est constitué des contacts rencontrés par l’utilisateur positif ».

Sous-entendu : tous les contacts, et non pas seulement les plus proches. « Le calcul de l’exposition au risque d’un des contacts de cet historique de proximité est effectué sur le serveur », poursuit le ministère.

C’est le serveur qui va déterminer, entre tous les contacts de la personne positive, ceux qui auront été exposés suffisamment près et suffisamment longtemps.

« Ce qui serait plus respectueux de la vie privée, c’est que le téléphone calcule » lui-même la distance qui le sépare d’un autre repéré par Bluetooth, puis envoie au serveur, le cas échéant, seulement ceux qui seront restés assez près, assez longtemps, estime Gaëtan Leurent. 

« Ce qui est dommage, c’est que si on envoie tous les contacts, c’est beaucoup plus d’infos que ce qui est utile. Il y a un risque sur la vie privée en cas de réidentification ou de recyclage des infos par malveillance. »

Car la portée du Bluetooth peut aller, selon la puissance des appareils, émetteurs et récepteurs, jusqu’à une vingtaine de mètres… La quantité de gens croisés à moins de vingt mètres dans une journée, éventuellement pendant seulement quelques secondes, comme quelqu’un sur le trottoir d’en face, est évidemment sans comparaison avec le nombre de personnes vues un quart d’heure à moins d’un mètre. 

Pour Baptiste Robert, hacker et chercheur en sécurité informatique qui a participé à la recherche de bugs dans l’application, l’envoi de tous les contacts permet « de voir des récurrences » : chaque jour, « on croise les mêmes personnes, on bosse avec les mêmes personnes ».

Ainsi, des acteurs mal intentionnés pourraient « réidentifier la donnée assez rapidement ». Il regrette le choix qui a été fait, car selon lui, « l’appli pourrait trier ce qu’elle envoie »

Le mathématicien Paul-Olivier Dehaye, spécialiste des données personnelles, coauteur d’une tribune titrée « StopCovid est un projet désastreux piloté par des apprentis sorciers », se dit auprès de Mediapart « surpris » puis « sidéré » du choix qui a été fait par la France.

« Ça fait beaucoup de contacts », souligne-t-il, et même s’il « ne s’agit que de pseudos, l’État et beaucoup d’autres ont tout pour passer au-delà de ces pseudos »

Au contraire, proteste le secrétariat d’État, « il n’y a pas de possibilité de reconstitution de graphe social par le serveur puisqu’il ne conserve que les données relatives à la personne exposée (et non à la personne positive) ».

Le stockage et le transfert des contacts brefs est justifié, selon le secrétariat au numérique, par le fait que tous les quarts d’heure, un nouvel identifiant est attribué à chaque appareil.

Ainsi, un contact qui ne durerait que 5 minutes pourrait être la suite d’un contact de douze minutes : deux contacts que seul le serveur est capable de relier pour comprendre qu’il s’agit en réalité d’un seul, de 17 minutes, donc à risques. 

Pour remédier à cette difficulté, le chercheur en cryptographie Gaëtan Leurent pense « qu’il y aurait des moyens assez simples de limiter le problème ».

Par exemple, « le téléphone pourrait filtrer les données pour ne garder les contacts courts que quand ils sont juste avant ou juste après un changement d’identifiant. Ça éliminerait déjà la majorité des contact courts ».

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avait rappelé, dans sa délibération du 25 mai « portant avis » sur le projet de décret, que les atteintes « au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel » devaient être « non seulement justifiées par un motif d’intérêt général » mais aussi « nécessaires et proportionnées à la réalisation de cet objectif »

Par exemple, s’agissant de la durée de l’historique, les contacts transmis ne doivent pas remonter au-delà de 48 heures avant le début des symptômes de la personne qui se déclare positive. 

La Cnil prenait acte, toutefois, « de ce que l’algorithme permettant de déterminer la distance entre les utilisateurs de l’application reste à ce stade en développement et pourra subir des évolutions futures ».

Ce calcul de distance est un point crucial pour toutes les applications de tracing, et notamment celles qui s’appuient sur le Bluetooth, lequel n’est pas fait pour mesurer des distances mais pour échanger des informations. 

Afin de voir ce qu’il se passe réellement dans l’application, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a ensuite annoncé le 4 juin une campagne de contrôle de StopCovid et des fichiers Sidep et Contact Covid mis en place par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Parmi les points de contrôle, figurent notamment « les flux de données et les destinataires ».

« Ces constatations pourront conduire, en cas de manquements graves ou répétés, à l’adoption de mesures correctrices, telles que des mises en demeure et/ou des sanctions », annonçait l’autorité indépendante de contrôle.

En réponse à nos questions, la Cnil s’est retranchée derrière des contrôles « en cours », dont les résultats ne sont pas encore connus.

Le secrétariat d’État au numérique affirme quant à lui que « ces informations sur le fonctionnement de l’application, et en particulier le fait que le calcul d’exposition se fait sur le serveur, sont bien celles auditées par la Cnil qui a jugé sur cette base que l’application respecte bien le principe de minimisation des données ». La Direction générale de la santé, responsable du traitement des données, ne nous avait pas répondu au moment de la publication.

« En dépit de l’amoncellement des textes, regrette l’avocat Vincent Brengarth, on accuse en France, et en pratique, un retard considérable en matière de protection des données personnelles ».

Si la collecte des données effectuée par l’application excédait ce qui est prévu par les règlements qui l’encadrent, elle pourrait selon lui constituer une atteinte aux droits de la personne, y compris par négligence, et tomber sous le coup des articles 226-16 et suivants du Code pénal.

Plus généralement, Vincent Brengarth regrette que le consentement –sur lequel repose entièrement cette application– soit de plus en plus souvent détourné, et même retourné : celui-ci « devient un gage de protection » de ceux qui l’ont recueilli, « plutôt que des personnes qui l’ont donné »

Source :
https://www.mediapart.fr/journal/france/150620/stopcovid-l-appli-qui-en-savait-trop

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16 juin 2020 2 16 /06 /juin /2020 05:03

Le 8 juin 2020

Les saisines de la police des polices ont augmenté de 23,7% en 2019, plus de la moitié des enquêtes ouvertes pour des accusations de "violences".

Avec 292 dossiers sur la seule année 2019, "le mouvement des 'gilets jaunes' a entraîné une sur-sollicitation de l'Inspection générale de la police nationale".

La police des polices s'est vu confier 1 460 enquêtes judiciaires en 2019, dont plus de la moitié visent des accusations de "violences" des forces de l'ordre, selon son rapport annuel dont l'AFP a eu connaissance lundi 8 juin.

Un chiffre en hausse de 23,7% par rapport à 2018.

Avec 292 dossiers "spécifiquement liées à l’usage de la force ou des armes lors des manifestations des gilets jaunes" en 2019, ce mouvement "a entraîné une sur-sollicitation de l'Inspection générale de la police nationale", précise ce rapport dont la parution intervient en plein cœur d'une nouvelle polémique sur les violences policières.

Sur les 1 460 enquêtes confiées l'année dernière à l'IGPN par la justice – un niveau sans précédent –, 868 portent sur des "violences volontaires", un chiffre qui a bondi de 41% en un an. 

Ces recours contestés à la force relèvent pour 38,8% d'interventions ou d'interpellations dans le cadre de manifestations, pour 12,8% de contrôles d'identité ou routiers et 14,1% découlent d'"allégations de violences sur des personnes retenues"

"Ces saisines de l'autorité judiciaire ne constituent pas une présomption de faute des agents", prévient toutefois Brigitte Jullien, la directrice de l'IGPN, une institution dont l'impartialité est régulièrement contestée.

Douze policiers pourraient être poursuivis

Selon Brigitte Jullien, sur les 399 saisines survenues pendant le mouvement des "gilets jaunes" depuis le début du mouvement en novembre 2018, 130 concernent des blessures graves et 274 ont été transmis à la justice.

"On a une douzaine de policiers qui sont susceptibles de faire l'objet de poursuites judiciaires", détaille-t-elle auprès de l'AFP.

D'après la police des polices, le niveau inédit d'enquêtes qui lui ont été attribuées tient à la récurrence des manifestations, à la hausse du niveau de violences mais aussi au choix des autorités judiciaires, en particulier à Paris, de confier à l'IGPN les plaintes relatives à l'usage de la force "quelle que soit la gravité des faits".

Source :
https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/violences-policieres/les-saisines-de-la-police-des-polices-ont-augmente-de-23-7-en-2019-plus-de-la-moitie-des-enquetes-ouvertes-pour-des-accusations-de-violences_4000295.html

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12 juin 2020 5 12 /06 /juin /2020 08:47
 PAR  ET 

Pendant six mois, nous avons épluché des milliers de pages et analysé un par un 65 dossiers de l’IGPN. L’analyse globale met au jour des techniques récurrentes permettant à la police des polices de blanchir massivement les forces de l’ordre.

 

Dans son dernier rapport annuel, l’inspection générale de la police nationale se défend fermement d’être « la police des polices », mission qui « reste dans l’imaginaire populaire ». Sa directrice fait même assaut de transparence : son « ambition première » n’est pas de contrôler mais de « valoriser l’institution et ses agents ».

 

 

Cet aveu, en bonne place (dans l’éditorial dudit rapport), est certainement le meilleur effort de sincérité auquel s’est livré l’IGPN depuis des années. Une institution qui n’hésite pas à légitimer, de la part des forces de l’ordre, « des ripostes plus nombreuses et plus fermes et donc des blessés » du fait « des violences exercées contre [elles] lors des manifestations ».

Attendre de cette instance un devoir d’impartialité serait donc vain. Et depuis plusieurs mois, au regard de certains dossiers emblématiques, l’idée s’est installée que la police des polices n’inspectait rien sinon les meilleurs moyens de préserver les forces de l’ordre.

Encore fallait-il démontrer cette impression, ou la démonter. C’est tout l’objet d’Allô IGPN, suite logique du travail entamé il y a 18 mois avec Allô Place Beauvau sur Twitter puis sur Mediapart, qui visait à recenser les abus policiers survenus dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, et à interpeller le ministère de l’intérieur.

 

Brigitte Jullien, directrice de l'Inspection générale de la police nationale. © AFP.

Pendant six mois, nous avons donc épluché des milliers de pages d’« enquêtes » pour tenter notamment de comprendre quel type de matériau et quelles conclusions étaient transmis aux procureurs.

Aux classements sans suite, nous avons voulu en donner une. Fût-elle seulement journalistique.

Allô IGPN est en ce sens la première plongée en profondeur jamais réalisée dans les arcanes de l’institution. À travers 65 enquêtes IGPN (et IGGN), dont toutes avaient fait l’objet d’un signalement d’Allô Place Beauvau, nous avons ainsi pu déceler des permanences dans les méthodes visant à blanchir les policiers, vu apparaître des constantes, des modes opératoires.

Nous proposons également un certain nombre de témoignages de victimes qui ont finalement refusé de porter l’affaire en justice. Leurs raisons sont éloquentes.

Mais ce n’est pas tout. Allô IGPN analyse également les rapports annuels émis par l’institution, pour y déceler une évidence : entre les indicateurs dont la méthodologie est modifiée d’une édition à l’autre, ceux qui sont créés au fil du temps et ceux qui disparaissent, tout semble concourir à nuire à une lecture claire de l’activité de cette institution publique.

Notre travail ne s’arrête pas là. À l’avenir, nous continuerons à signaler les interventions policières suspectes les plus symboliques dans les manifestations, mais aussi et c’est nouveau, hors manifestations, Allô IGPN permettra de savoir quelques mois plus tard comment la police des polices a traité ces cas de violences dans ses rangs. Mais d’ores et déjà, une typologie se dégage.

  • L’identification laborieuse des policiers auteurs de violences 

 La non-identification de policiers à l’origine de violences est l’un des motifs fréquents des classements sans suite. 

« L’IGPN ne se donne pas réellement les moyens d’identifier les policiers qui ont commis des violences ayant entraîné des blessures ou des mutilations », déplore l’avocate rouennaise Chloé Chalot, qui depuis l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes travaille sur les violences policières. 

« Les enquêteurs se contentent des déclarations des policiers sans aller plus loin. Il n’y a pas d’investigations complémentaires pour les vérifier », poursuit-elle. 

Chloé Chalot revient sur l’affaire de Sébastien M., blessé à la tête lors d’une manifestation de gilets jaunes, le 12 janvier 2019 à Paris par un tir de lanceur de balles de défense (LBD), lui occasionnant 30 jours d’interruption totale de travail. 

À partir de vidéos de témoins, une brigade d’une vingtaine de policiers en civil est identifiée. Il s’agit des Détachements d’action rapide (les DAR renommés depuis les BRAV-M), des binômes à moto, résurgence des « voltigeurs » interdits depuis la mort de Malik Oussekine en 1986. Trois détenteurs de LBD sont identifiés. Auditionné par l’IGPN, le lieutenant commandant la brigade confirme les tirs, mais explique ne pas être en mesure « de donner le nombre de cartouches »

Et pour cause, les fiches dites TSUA, qui permettent de suivre l’usage des armes avec l’heure, le lieu et l’auteur n’ont pas été rédigées « sur instruction de la hiérarchie », selon le lieutenant , car « il y avait trop de tirs et il était inutile de faire un écrit ».

On apprend que « les consignes initiales au début des manifestations des gilets jaunes étaient de ne pas rédiger » de fiches. « Les détenteurs de LBD donnaient le nombre de munitions tirées et l’officier faisait une synthèse. »

C’est ainsi que la non-traçabilité des tirs des policiers était organisée par la hiérarchie, ordres contraires au règlement. Les trois policiers porteurs de LBD ont, au cours de leur audition, nié être les auteurs de tirs. L’un d’entre eux affirme « ne pas se souvenir avoir fait usage du LBD ». 

Malgré ce dispositif illégal décidé par les autorités chargées des opérations, malgré l’identification de trois suspects, l’IGPN se contente des déclarations des policiers et conclut que « les différentes investigations ne permettent pas d’identifier le policier ayant fait usage d’un lanceur de balles de défense ». Le 19 février 2020, la vice-procureure de la République de Paris, Claire Vuillet, suit les conclusions de l’IGPN et classe sans suite.  

Visage dissimulé, absence de brassard, de matricule, dans de nombreux dossiers que nous avons analysés, ces entorses au règlement (règlement général d’emploi) permettent de ne pas retrouver les auteurs des violences. Et ne sont pas retenues par l’IGPN à l’encontre des forces de l’ordre. 

« La police française ne respecte pas la loi et on s’en contente en classant sans suite », commente l’avocate Chloé Chalot. 

En outre, les conséquences sont calamiteuses, puisque ce sont ces pratiques de l’IGPN qui dissuadent les victimes de violences de porter plainte. Comme Victoire (touchée à Paris par un tir de LBD). Elle ne s’est pas rendue à l’IGPN par « exaspération contre la machine à blanchir qu’[elle] n’avait pas envie de cautionner ».

D’autres, parce qu’au commissariat (à Rouen), on a refusé d’enregistrer leur plainte (« le policier a accepté seulement de rédiger une main courante, en promettant que c’était équivalent à un dépôt de plainte, on n’était pas dupe »). Méfiance, découragement, crainte d’être « embourbé » dans des procédures longues, peur des frais de justice, ou simplement de la police. Certains ont des remords, tel Émilien, blessé par une grenade désencerclante, à Nantes : « Porter plainte me paraissait totalement inutile à ce moment-là. J’ai regretté bien après avoir guéri. »

 

 

Des éléments de preuves non exploités, des victimes criminalisées et un recours à la force légitimé

  • L’exploitation tardive des preuves au risque de leur disparition 

Des vidéosurveillances trop tardivement réquisitionnées, des armes non expertisées, des enregistrements radio non saisis. Il n’est pas rare que des éléments de preuves ne soient pas exploités par l’IGPN. 

L’enquête sur la mort de Zineb Redouane pourrait être un cas d’école : cette femme algérienne de 80 ans est décédée à la suite d’un tir de grenade lacrymogène MP7 alors qu’elle fermait la fenêtre de son appartement, lors de la mobilisation des gilets jaunes à Marseille, le 1er décembre 2018. 

Après identification de la compagnie de CRS à l’origine des tirs, l’IGPN, saisie de l’enquête, réclame les cinq lanceurs Cougar, pour un examen balistique. Un capitaine de la CRS 50 refuse de donner suite à cette demande, prétextant ne pouvoir s’en « démunir », « pour ne pas obérer la capacité opérationnelle de l’unité ». Dans le cadre d’une procédure judiciaire, un tel refus est irrecevable. L’IGPN ne s’en émeut pas pour autant et n’entendra les CRS, porteurs de ces armes, que deux mois plus tard, en tant que simples témoins.   

« Ces lanceurs Cougar sont ce que l’on peut communément appeler “l’arme du crime”, s’étonne MBrice Grazzini, avocat du fils de la victime Sami Redouane. Une saisie plus rapide aurait permis certainement d’identifier le tireur de la bombe lacrymogène. Pourquoi ne pas avoir saisi également les enregistrements radio de la CRS 50 du 1er décembre, pourtant un grand potentiel d’information ? » 

« Les exemples sont hélas nombreux, poursuit-il. L’IGPN tarde parfois à réquisitionner les vidéosurveillances qui, au bout de 28 jours, selon le délai légal, sont écrasées. Dans le cas de Maria, des éléments ont étonnamment disparu et cela sans que les enquêteurs n’en fassent part dans la conclusion de leur rapport. » 

Maria ? Le 8 décembre dernier, à Marseille, un samedi de mobilisation des gilets jaunes, alors qu’elle rentrait chez elle après une journée de travail, cette jeune femme a eu le crâne fracassé et le cerveau gravement atteint suite à des coups policiers.

En jeans, rangers, visages dissimulés, sans brassards ni matricules, là encore, rien ne permettait d’identifier les auteurs de ces violences. Parmi les éléments de preuves qui auraient pu permettre cette identification : un rapport informatique des services de police faisant état de l’ensemble des mouvements et des interventions des forces de l’ordre la journée du 8 décembre. Or, au cours de l’enquête, l’IGPN découvre que ce document a été tronqué entre 14 h 37 et 23 h 21. 

Lors de son audition, la fonctionnaire chargée de ce logiciel policier nommé Pegase est catégorique : « C’est particulièrement étonnant. C’est la première fois que je vois une fiche avec un tel défaut. » En poste depuis deux ans, cette fonctionnaire atteste qu’il ne peut en aucun cas s’agir d’un bug informatique. Seulement d’une intervention humaine.

La conclusion de l’IGPN est pourtant radicalement différente : le « rapport de synthèse Pegase […] apparaissait comme tronqué en raison d’un dysfonctionnement informatique, incident s’étant produit ponctuellement par le passé ».

« Fondamentalement avec l’IGPN, on est dans une situation où des policiers enquêtent sur des policiers et donc ce type de situation mène obligatoirement à des dérives, regrette Brice Grazzini. Les dérives que j’ai observées dans les enquêtes dont j’ai connaissance sont une accointance dans la façon de poser des questions, le refus de mettre en garde à vue des policiers suspectés (alors même que cela se fait extrêmement facilement lorsqu’il s’agit d’un citoyen lambda) et une forte tendance à protéger les auteurs derrière la théorie de la violence légitime. » 

  • Un recours disproportionné à la force souvent légitimé 

« Si le policier auteur du tir ou des violences est identifié, la victime va être criminalisée, ou le contexte sera présenté comme dangereux pour les forces de l’ordre », déplore l’avocate Aïnoha Pascual, rappelant le cas de Maxime, blessé le 24 novembre 2018 par une grenade explosive GLI-F4. 

Alors qu’il rentre avec son épouse d’un déjeuner familial, Maxime rejoint, par curiosité, la mobilisation des gilets jaunes. À proximité des Champs-Élysées, dans une petite rue, alors qu’aucun heurt ne se produit, un CRS lance une grenade. Pour voir ce qui venait de rouler à ses pieds, Maxime se penche vers le projectile qui lui brûle la main et dont la détonation lui laisse de lourdes séquelles auditives. 

Auditionné par l’IGPN, le responsable de la compagnie de CRS se contente de réciter le règlement : « Le tir de la grenade a été fait en réponse à des voies de fait, des violences ou pour défendre un terrain. »

« Le commandant des CRS se réfugie derrière cet article du code de la sécurité intérieure (L211-9), un article fourre-tout qui légitime l’usage de la force. Et l’IGPN n’a eu de cesse de chercher des éléments, en vain, pour suspecter Maxime de violences, d’avoir lancé des projectiles ou de dépeindre un contexte qui justifiait ce tir », constate MAïnoha Pascual.  

Plus grave. L’IGPN n’auditionnera pas le policier qui a actionné la grenade. « C’est lunaire, poursuit l’avocate. Dans la majorité des plaintes pour violences policières, l’IGPN ne va pas au bout des enquêtes, ne procède pas à toutes les auditions. Et lorsqu’il y a des confrontations, ce qui est rare, lorsque nous arrivons avec les plaignants dans le bureau des enquêteurs de l’IGPN, les policiers poursuivis sont déjà présents. Cette porosité ne nous laisse pas beaucoup d’espoir sur l’impartialité des enquêtes. »

Les cas de légitimation de l’usage de la force sont nombreux. Les forces de l’ordre se réfugient alors derrière les articles R211-13 et L211-9 du code de la sécurité intérieure. Les policiers peuvent, pour disperser un attroupement, faire usage de la force après deux sommations. Les tirs n’ont pas à être précédés de sommations dans deux cas : « si des violences sont exercées contre [eux] » ou s’ils ne peuvent « défendre autrement le terrain ». Nulle précision n’est apportée sur ces situations exceptionnelles qui sont brandies de plus en plus systématiquement lorsque des violences policières sont commises. 

« Dans ces enquêtes, tout est ainsi justifié par les circonstances, dénonce l’avocat Arié Alimi. Ce qui fait qu’on peut se passer du droit. L’IGPN se passe de la reconstitution des faits, de confrontations… » L’une des stratégies mise en place par l’avocat de la famille de Cédric Chouviat est de lancer très rapidement un appel à témoin. C’est ce qu’il a fait dans les premières heures suivant l’hospitalisation de Cédric Chouviat. 

« C’est déterminant de le faire pour éviter la perdition, voire la dissimulation de preuves, précise-t-il. Récolter ainsi des témoignages est une pratique inspirée du mouvement américain d’initiative citoyenne Black Lives Matter, né pour dénoncer l’impunité policière à l’égard des Noirs américains », explique Arié Alimi. 

Autre technique pour se prémunir de la partialité des enquêtes de l’IGPN ou de l’IGGN : « refuser tout simplement les auditions ». « Les enquêteurs viennent dès les premiers moments, à l’hôpital, avec pour objectif de couvrir très vite, sans poser les bonnes questions, dans de mauvaises conditions pour la victime, qui est souvent sans avocat », précise Arié Alimi. Ce refus permet de contraindre le parquet à saisir un juge d’instruction. « Et c’est aussi un moyen de dénoncer le fonctionnement de l’IGPN, largement remise en cause dans l’opinion publique

 

L’avocat ne décolère pas sur l’IGPN, rappelant ses conclusions dans l’affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie. En décembre 2018, des policiers avaient fait mettre à genoux des adolescents, mains derrière la nuque ou menottés dans le dos. La directrice de la police des polices, Brigitte Jullien, avait

annoncé en mai 2019 qu’« aucun comportement déviant » parmi les policiers n’avait été constaté par ses enquêteurs. Ces conclusions ont été suivies par la procureure de la République de Nanterre, Catherine Denis, le 24 juillet 2019. 

 

« Dans cette affaire, l’IGPN n’a tout simplement pas fait d’enquête. Seuls trois adolescents sur une vingtaine de plaignants ont été auditionnés, révèle Arié Alimi. Toutes ces enquêtes menées pour dédouaner les policiers montrent qu’il est indispensable de réformer l’IGPN pour faire évoluer l’impunité en matière de violence policière. » 

En attendant cette réforme, que le ministre de l’intérieur Christophe Castaner n’estime pas nécessaire, de nombreux avocats choisissent d’engager la responsabilité de l’État en saisissant les juridictions administratives. « Cela permet aussi de remettre en question la doctrine du maintien de l’ordre et les techniques d’interpellation, explique l’avocate Claire Dujardin, et d’épargner les victimes de trop longues procédures, avec de rares peines prononcées à l’encontre des forces de l’ordre. »

 

source: Mediapart

https://www.mediapart.fr/journal/france/120620/igpn-plongee-dans-la-fabrique-de-l-impunite?page_article=1

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