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22 septembre 2020 2 22 /09 /septembre /2020 06:53

La charge de police à l’origine des blessures de Geneviève Legay, le 23 mars 2019 à Nice, était disproportionnée, selon l’IGPN qui pointe la responsabilité du commissaire Rabah Souchi, à la tête des opérations. Un an et demi après les faits, le président Emmanuel Macron est donc démenti. Médaillé, en juin 2019, par le ministère de l’intérieur, Rabah Souchi est cependant toujours en poste.

 

 

Cette fois, l’Inspection générale de la police (IGPN) n’a pas pu faire autrement que de déclarer la charge des policiers disproportionnée. Et sa conclusion est éminemment symbolique dans une affaire qui a fait grand bruit, tant elle a été marquée par des mensonges, des dissimulations et des conflits d’intérêts. Selon les éléments réunis par Mediapart, l’IGPN reconnaît enfin ce que nombre de témoins se tuent à répéter depuis le début de l’affaire : Geneviève Legay, 73 ans, gravement blessée le 23 mars 2019, à Nice au cours d’une manifestation des « gilets jaunes » a bien été renversée par les forces de l’ordre au cours d’une charge que les gendarmes interrogés ont jugé brutale, violente et illégale.

Victime d’une hémorragie et de plusieurs fractures au crâne, l’état de santé de Geneviève Legay avait nécessité plus d’un mois de surveillance médicale.

Dans ses conclusions rendues en avril, l’IGPN met en cause le commissaire divisionnaire Rabah Souchi, à la tête des opérations et donne raison au capitaine de gendarmerie qui, le jour des faits, a refusé de participer à cette charge et d’engager son escadron composé de près de 60 hommes, comme nous l’avions révélé (à lire ici). 

Une vidéo, tournée par la cellule image ordre public (CIOP) des gendarmes et jamais diffusée jusqu’à présent, montre la réalité de cette charge.

 

 

La gravité des faits a conduit ce capitaine à adresser à sa hiérarchie, le 25 mars 2019, deux jours après les faits, un rapport détaillé, que Mediapart révèle et publie dans son intégralité. Loin de s’inscrire dans le cadre d’une guerre police-gendarmerie, ce compte rendu, largement repris par l’IGPN dans ses conclusions, annihile ainsi le déni des autorités sur les violences policières. Dès le 23 mars, la haute hiérarchie de la gendarmerie avait d’ailleurs été alertée sur ces faits. Est-il possible que dans une affaire aussi médiatisée, des informations aussi sensibles ne soient pas remontées jusqu’à l’Élysée ?

Le 25 mars, Emmanuel Macron déclare pourtant dans les colonnes de Nice Matin : « Cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre. » Et croit bon de préciser : « Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci. »

Le rapport de gendarmerie que nous publions aujourd’hui discrédite définitivement cette version.

 

Rapport du Capitaine H. sur les opérations de maintien de l'ordre à Nice, 25 mars 2019. © Document Mediapart

 

Son auteur, le capitaine H. y qualifie la charge de « brutale et violente », en « totale disproportion et nécessité face à une foule d’une trentaine de personnes assez âgées, très calmes »

Il alerte ses supérieurs sur le comportement du commissaire Rabah Souchi, « presque dangereux », qui « hurle » et ordonne de « triquer du manifestant », c’est-à-dire, de les battre à coups de bâton. Une situation inquiétante qui n’est pas sans rappeler les images montrant la militante pacifiste, allongée à même le sol, la tête ensanglantée, son drapeau arc-en-ciel à ses côtés et enjambée par des policiers casqués.

 

La militante Geneviève Legay, à terre après avoir été bousculée par un policier, le 23 mars 2019, à Nice. © Valery HACHE/AFPLa militante Geneviève Legay, à terre après avoir été bousculée par un policier, le 23 mars 2019, à Nice. © Valery HACHE/AFP

 

Selon l’IGPN, « les ordres donnés par le commissaire divisionnaire Souchi, ne se caractérisent pas un manque de clarté et un aspect directif ». Ils sont « inadaptés » en particulier « lors de la charge effectuée […] au cours de laquelle Madame Legay a été poussée ».  

La stratégie proposée par les gendarmes, une vague de refoulement, au cours de laquelle les boucliers sont baissés et la force n’est pas employée, « aurait été une manœuvre d’une intensité proportionnelle à la situation ». Le vocabulaire alambiqué de l’IGPN est à la hauteur de son embarras. Pour autant, la police des polices ne peut ni soustraire le rapport de gendarmerie ni enterrer l’audition de son auteur, entendu dans le cadre de l’enquête judiciaire qui confirme le « non-respect de proportionnalité faisant suite à des sommations pas très claires ». En d’autres termes, l’illégalité de la charge. 

L’IGPN rappelle, néanmoins, le contexte au moment des faits. Outre la venue le lendemain du président Emmanuel Macron et de son homologue chinois dans le département, le premier ministre souhaitait, en réponse à la mobilisation des gilets jaunes, « que soit mise en œuvre une stratégie renforcée par le recours de nouveaux outils », « l’utilisation de drones », « le recours aux hélicoptères dotés de caméras de haute précision », ou encore « la répression de la participation à une manifestation interdite », instituant, dispositif inédit, une contravention de 135 euros. 

Les préfets établissent donc un arrêté portant sur l’interdiction de manifester sur un certain périmètre.

Pour autant, comme le relate auprès de l’IGPN le capitaine de gendarmerie, le jour de la mobilisation, à 7 h 45, « lors de la réunion de tous les responsables de police sur place et des chefs des commandants d’escadrons, un des commissaires présents a dit que les manifestations de gilets jaunes étaient calmes à Nice, sans casseur répertorié ».

« Il n’y a pas eu de consignes particulières pour cette manifestation », explique-t-il tout en précisant que « la volonté [du commissaire Rabah Souchi] à mon avis était d’interpeller le maximum de personnes ».

D’ailleurs, avant le début de la manifestation, alors que les escadrons de gendarmerie prennent position dans la ville, le commissaire Souchi annonce le ton de la journée. À l’une des lieutenantes, il « hurle que les gendarmes étaient là uniquement pour “triquer” du manifestant et sortir des véhicules uniquement pour “triquer” ». « Fortement choquée », elle a tenu à retranscrire ces propos auprès de sa hiérarchie. 

À 10 h 30, le capitaine H. arrive sur la place Garibaldi, l’un des principaux points de rassemblements de la ville, interdit ce jour-là, et où près de 200 manifestants « présentant une physionomie tranquille et pacifique » commencent à se retrouver.

« Une fois sur les lieux, j’ai constaté que deux pelotons sécurisent une nasse avec à l’intérieur quelques gilets jaunes très calmes. » Le capitaine est chargé de former une seconde nasse, en d’autres termes d’encercler un autre groupe de manifestants présents et à les confiner, afin de procéder à des interpellations. 

Auditionné par l’IGPN, le commissaire Souchi reconnaît lui-même que « les personnes qui se rassemblaient le faisaient dans le calme mais dans un périmètre interdit ». À ce moment-là, aucun ordre de disperser ne lui a été donné depuis la salle de commandement où était présent, notamment, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), Jean-François Illy. 

Il envisage alors, selon l’IGPN, de mettre en place un contrôle en vue de faire évacuer et verbaliser les personnes présentes. Une pratique toute singulière, puisque « l’infraction de participation à une manifestation interdite […] n’existait pas deux jours avant », concède-t-il lui-même. 

À 11 h 10, changement d’ambiance, selon le commissaire Souchi qui fait état « d’outrages » et qui reçoit l’ordre de dispersion du DDSP. « L’évolution de la situation qui a conduit à cette décision est que nous avons senti que la tension montait, et que les manifestants refusaient toute discussion. La décision du préfet répercutée par le DDSP vient du fait de l’existence de troubles à l’ordre public réels sur la place Garibaldi. » 

Le capitaine H « précise surtout que la foule était calme auparavant et que suite à l’interpellation musclée d’un individu assez âgé qui est tombé au sol à plat ventre […] cela a fait réagir les manifestants ». Dans le compte-rendu adressé à sa hiérarchie, il précise que cette interpellation se fait « sans raison valable ».

Le commissaire Souchi ne s’embarrasse pas de cette chronologie : « Le groupe de manifestants formé dans la nasse que j’encadrais a effectivement invectivé les forces de l’ordre par des propos comme “police assassins” avec beaucoup de sifflets et rien de plus », rapporte le capitaine de gendarmerie.

Geneviève Legay est alors décrite comme « très excitée […] Elle tenait un drapeau arc-en-ciel […]. Je l’avais remarqué dans la nasse par son énervement. Elle invectivait un de mes gendarmes en disant qu’elle voulait sortir pour aller voir l’homme interpellé qui avait chuté. » 

 

À 11 h 13, l’ordre de disperser est donné. Selon les gendarmes, « la physionomie était toujours calme ».

« Il m’a semblé que [les manifestants] étaient plus là pour faire valoir leur droit à manifester quitte à faire un peu de résistance passive mais l’attroupement à ce moment-là ne m’a pas semblé virulent », indique l’un d’entre eux auprès de l’IGPN.

Un policier rapporte également qu’ils « n’étaient pas agressifs physiquement. Ils n’ont pas lancé de projectiles ».

 

Principe de gradation dans l'emploi de la force, direction générale de la gendarmerie nationale.Principe de gradation dans l'emploi de la force, direction générale de la gendarmerie nationale.

 

À 11 h 27, la foule est toujours paisible. Les premières sommations sont faites. Le commissaire Souchi « est arrivé sur moi, en hurlant et m’a ordonné de charger une foule calme dans la direction [d’une] zone également interdite à la manifestation ». 

« Je me rends compte que nous refoulons les gens dans la mauvaise direction », raconte le capitaine H., une erreur du commissaire qui « ne se maîtrise plus ». Dans cette foule, Geneviève Legay agite son drapeau arc-en-ciel. « Elle déambulait normalement, dans la rue au milieu de ce groupe de manifestants », précise-t-il.  

« Au regard de la foule qui est calme, T1 110 [le commissaire] continue de dire dans son mégaphone de charger et de gazer, son ordre me paraît disproportionné au regard du comportement de la foule. […] J’ai donc refusé de faire une charge. » Le capitaine ordonne alors à ses hommes de ne pas y participer. 

Face à l’IGPN, il rappelle les fondamentaux de l’usage de la force : « Une charge implique l’usage des armes et donc des sommations à trois reprises sur l’usage de la force, ainsi qu’une situation le justifiant. Je précise que le fait de faire des sommations n’exonère pas du principe de nécessité et de proportionnalité. » 

La police des polices demande au gendarme « en tant qu’observateur de la scène » de décrire la charge, réalisée finalement par les policiers de la Compagnie départementale d’intervention (CDI). 

« Les policiers ont chargé immédiatement en courant […] Cela a duré quinze à vingt secondes tout au plus. Ils couraient à des vitesses différentes en venant au contact ou en percutant les personnes présentes. » Interrogé sur Geneviève Legay, le chef d’escadron ne peut « pas dire si elle a reçu un coup de matraque. Je pense qu’elle n’a pas eu le temps de réagir face à la rapidité de la charge »

« Une vague de refoulement », c’est-à-dire, « en marchant, sans emploi de la force » aurait donc été plus adaptée, selon lui. Témoins de cette charge, « nous sommes tous abasourdis », lâche le capitaine H. Les gendarmes ont d’ailleurs pris soin de filmer le déroulement de l’ensemble des opérations, en particulier, la charge des policiers blessant Geneviève Legay. 

Interrogé sur le choix de sa stratégie, le commissaire Rabah Souchi « tien[t] à dire qu’en la matière, il y a une obligation de résultat ». « La situation se tendait », il faisait face à des manifestants qui « chant[aient] La Marseillaise et refus[aient] de quitter les lieux », attitude qui justifie selon lui le recours à la force.

Catégorique, il affirme que cette manœuvre était, en toute logique, conforme à la situation, en rajoutant que, lorsqu’il a donné l’ordre de charger, il n’a pu « utiliser une fusée rouge, car nous étions en dessous des couloirs aériens ». 

Ne se souvenant plus si des Tonfas ou des matraques avaient été utilisés, cette charge, dit-il, était « effectuée au pas de marche », malgré les vidéos qui contredisent formellement sa version. 

Interrogé de nouveau par l’IGPN sur la nécessité d’une telle opération, il estime « qu’il appartient à celui qui s’expose de prendre en considération ces risques. On ne peut pas reprocher à un gardien d’un zoo qu’une personne se fasse mordre une main en passant celle-ci dans les barreaux d’une cage d’un animal dangereux » avant de conclure que selon lui, « l’avancée pédestre sans arme, c’est le niveau 0 d’une charge ». La proportionnalité de l’usage de la force semble être une considération fort éloignée des principes du commissaire. 

Ainsi que le relate un autre capitaine auprès de l’IGPN, « il m’a dit de façon assez virulente : “Quand j’ai décidé de l’emploi de la force et que j’ai fait les sommations, quand je vous dis on disperse, c’est on disperse, tant pis pour les manifestants, on matraque, c’est le cadre légal. Ne faites pas comme votre homologue qui a refusé d’appliquer mes directives. Il s’en expliquera avec le préfet”. » 

Malgré ces menaces, le gendarme explique avoir indiqué à M. Souchi « qu’il était hors de question de matraquer des gens qui n’étaient pas virulents et je lui rappelle que la réalisation des sommations ne nous exonère pas des principes de nécessité et de proportionnalité ».

« À aucun moment jusqu’à l’arrivée des secours, TI 110 [le commissaire Rabah Souchi – ndlr] ne s’est porté au niveau de la blessée pour prendre de ses nouvelles », écrit dans son rapport le capitaine de gendarmerie qui, après un énième comportement brutal du commissaire, « n’a qu’une hâte, c’est que tout cela s’arrête, car je commence franchement à réfléchir à me désengager […] après 3 heures 30 de galère. » 

Quelques mois plus tard, le 16 juin 2019, ainsi que le révélait Mediapart, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner récompensait le commissaire Rabah Souchi et sa compagne Hélène Pedoya. Cette promotion exceptionnelle de médaillés était officiellement nommée « gilets jaunes ».

 

Hélène Pedoya reste d’ailleurs la grande absente de l’enquête de l’IGPN qui, étrangement, a choisi de ne pas l’auditionner. Pourtant, cette commissaire divisionnaire en charge de l’enquête préliminaire sur l’origine des blessures de Geneviève Legay a également participé au maintien de l’ordre le jour des faits.

Lors de son audition, son compagnon, Rabah Souchi, le précise d’ailleurs sans que cela ne lui pose le moindre problème. Ainsi qu’il l’affirme, le jour des faits, aux alentours de 10 h 40, sur la place Garibaldi, il a fait venir « le commissaire Pedoya pour procéder à une seconde bulle », un encerclement bloquant une partie des manifestants. Moins d’une heure après, sur cette même place, la charge qu’il a ordonnée, blesse Geneviève Legay. Activement présente, la commissaire divisionnaire Hélène Pedoya ne s’est pourtant pas déportée de l’enquête qui lui a été confiée, le jour même, par le procureur de la République. 

Elle a même, en orientant les premières investigations vers les journalistes présents à la manifestation, corroboré la version mensongère de son compagnon, Rabah Souchi. Ce dernier, dans son compte rendu des opérations du 23 mars à 22 h 48, attestait : « une chute en lien avec la présence d’un photographe s’accroupissant pour prendre un cliché des manifestants […] la manifestante [Geneviève Legay] trébuchait à ce moment-là. » 

 

Les deux commissaires divisionnaires, le 23 mars 2019, place Garibaldi, à Nice. © Document MediapartLes deux commissaires divisionnaires, le 23 mars 2019, place Garibaldi, à Nice. © Document Mediapart

 

Ce conflit d’intérêts majeur qui a valu la mutation du procureur de la République de Nice (à lire ici) n’interpelle absolument pas l’IGPN. 

« Nous attendons depuis maintenant trop longtemps que la juge d’instruction en charge de l’affaire tire les conclusions de son enquête, explique l’avocat de Geneviève Legay, Arié Alimi, auprès de Mediapart. À ce jour, elle a refusé au défenseur des droits l’accès au dossier. »

Concernant les commissaires divisionnaires Rabah Souchi et Hélène Pedoya, l’avocat déplore qu’ils ne soient « inquiétés ni par l’intérieur ni par la justice. Cela s’apparente désormais à de la protection forcenée ». 

Que ce soit le ministère de l’intérieur qui s’était engagé à retirer les décorations en cas de manquement grave, la Direction générale de la police nationale (DGPN) au sujet d’éventuelles mesures disciplinaires, ou encore la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) qui n’a pas spontanément communiqué les éléments en sa possession à la justice : tous ont refusé de répondre aux questions de Mediapart.

  • Les neuf dates-clés de l’affaire Geneviève Legay

 

© Mediapart
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21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 05:59

Des policiers racistes se sont livrés à des actes de maltraitance pendant plus de deux ans dans les geôles du tribunal de grande instance de Paris, ainsi que l’a révélé StreetPress, sans que leurs supérieurs, pourtant alertés, n’y mettent fin. Mediapart a pu avoir accès à l’enquête administrative rendue en janvier, dans laquelle l’IGPN s’efforce de minimiser les faits, pourtant accablants, et épargne la hiérarchie policière.

 

 

insi qu’il l’expliquait à StreetPress (à lire ici et ), devant l’inertie de sa hiérarchie à sanctionner ces violations, le brigadier-chef Amar Benmohamed, responsable de l’unité de transfèrement nuit (UTN), a décidé de dénoncer, publiquement, les comportements racistes, les actes de maltraitance et les vols de certains policiers, au sein du tribunal de Paris. Durant plus de deux ans, ces faits se sont déroulés au dépôt du tribunal de Paris, où plus d’une centaine de cellules accueillent des personnes en attente de comparution ou d’autres déjà incarcérées.

 

Tribunal de grande instance de Paris. © AFP

Le 28 juillet, à la suite de ces révélations, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique », « injures publiques en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion » et « injures publiques en raison du sexe et de l’orientation sexuelle ».

En juillet, lors des révélations du brigadier-chef, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, lui a reproché, non sans un certain cynisme, de n’avoir pas réagi plus tôt. Interrogé, le 30 juillet, à l’Assemblée nationale par un député LREM, le ministre lançait : « Le brigadier Benmohamed a dénoncé […], avec retard, c’est d’ailleurs ce qui lui est reproché […], ses camarades qui auraient, je mets du conditionnel mais les faits reprochés sont graves, énoncé des insultes à caractère sexiste, homophobe et raciste. » 

En réalité, Amar Benmohamed a alerté sa hiérarchie dès mai 2017. À plusieurs reprises, il avise des majors. Las, il alerte le lieutenant en octobre 2018. Cet officier de police judiciaire ne fait aucun signalement des délits que lui rapporte le brigadier-chef. En mars 2019, Amar Benmohamed rédige un rapport. Ce qui ne sera pas sans conséquence pour lui. 

À la suite de ses écrits, la préfecture de police saisit l’IGPN pour mener une enquête administrative, à l’issue de laquelle, en janvier 2020, des sanctions disciplinaires, toujours à l’étude, sont proposées à l’encontre de ce lanceur d’alerte. Pourquoi préconiser des sanctions à l’encontre de celui qui dénonce de graves manquements aux règles de déontologie, des propos racistes, voire des actes de violences ? 

Les auteurs des délits n’ont, quant à eux, toujours pas été sanctionnés, à ce jour. L’IGPN se contentant de préconiser quelques avertissements et un conseil de discipline. L’enquête de l’IGPN que nous révélons montre pourtant bien que de nombreux policiers ont confirmé les faits dénoncés par Amar Benmohamed, même si leur hiérarchie cherche à en minimiser la portée.

En effet, les recommandations émises par la police des polices attestent, une fois encore, de sa bienveillance à l’égard des siens, afin de mieux les protéger. Pour des raisons fallacieuses, l’IGPN préfère proposer des sanctions administratives à l’encontre de ceux qui dénoncent les dérives policières, comme Amar Benmohamed, dissuadant de la sorte tous ceux qui voudraient prendre le même chemin. 

Pour autant, dans ce rapport, les pratiques souvent grossières de l’IGPN ne parviennent pas à faire oublier la gravité des faits, qui ressort des différents témoignages de policiers auditionnés.  

Plusieurs fonctionnaires, sept environ, de l’une des brigades de nuit participeraient à ces délits, mais l’enquête se concentre essentiellement sur quatre agents qui semblent agir en toute impunité à l’intérieur du dépôt. Lors de son audition par l’IGPN, un major présente l’une d’elles comme « un boute-en-train »« au langage “fleuri” ». Étrange conception de la déontologie lorsque, quelques lignes plus loin, on apprend qu’elle insulte les déférés de « bougnoule »« négro », « clochard » ou « pouilleux », tandis qu’un autre policier l’entend dire : « C’est la merde, votre ramadan, tu mangeras pas. »

« Bâtard », c’est ainsi qu’elle s’adresse régulièrement aux déférés. Auditionnée par l’IGPN, cette policière reconnaît les traiter ainsi, voire même d’« enculés », mais, selon elle, « seulement entre collègues », pensant ainsi minimiser les faits. Qu’elles soient proférées à l’encontre de personnes ou employées entre policiers, ces injures racistes et homophobes sont passibles de poursuites pénales et administratives. 

Difficile de minimiser ou de masquer les faits. Au cours des différentes auditions de policiers travaillant au dépôt, les témoignages accablent ces policières. L’un des agents explique avoir dû intervenir à « deux reprises lors d’incidents », notamment lorsque l’une d’entre elles « avait traité avec virulence un déféré de “bâtard” et “d’enculé” ». Mise à l’écart, elle « était revenue, recommençant à insulter le déféré : “Vas-y, regarde-moi, espèce d’enculé !” »

Une autre fois, elle interpelle un prévenu : « Oui, c’est à toi que je parle, le bougnoule, c’est bien toi le seul Arabe ici. » Ou encore : « Moi, je ne te fouille pas, je ne suis pas là pour attraper des maladies. »

Insultes racistes, homophobes, agressivité voire menaces. L’un des policiers rapporte auprès de l’IGPN « des propos empreints de violence et de menaces, tels que : “C’est comme ça, ferme ta gueule”, “Si tu es là, c’est que tu l’as mérité”, “Si c’est comme cela, tu peux crever ou tu peux mourir, tu n’auras pas à manger” ». 

Certains déférés sont ainsi privés de repas, voire de la visite d’un médecin. Parfois, il s’agit de mesures purement discriminatoires de la part de certains policiers qui, selon certains échanges rapportés auprès de l’IGPN, « ne souhaitaient pas que leurs impôts servent à payer le déplacement du médecin ».

D’autres fois par « pure feignantise »« Les effectifs n’aimaient pas effectuer cette mission qui les contraignait à rester en statique près du local médical », précise l’un des policiers auprès de l’IGPN. Pour éviter de le faire, les agents demandent donc aux personnes détenues en cellule : « “Est-ce que tu es malade ?” au lieu de : “Voulez-vous voir un médecin ?” »

Selon l’IGPN, du brigadier au lieutenant en passant par les majors, la hiérarchie, qui n’ignorait pas cette situation, « s’est trouvée en difficulté face au comportement de certains effectifs qui avaient résisté à toute forme d’intervention hiérarchique ».

Les interventions des chefs se résument à de simples recadrages, une demande de blâme (la plus minime des sanctions avec l’avertissement) ou à des rappels de consignes par mails ou lors de réunions et cela essentiellement à partir de janvier 2019. 

 

Aucun conseil de discipline n’est exigé par la hiérarchie. Cette absence de réaction témoigne d’un laisser-faire, voire de l’adhésion à une situation pourtant illégale, par les responsables de cette brigade. Mais, selon l’IGPN, reprenant l’argumentation de ces haut-gradés, il y a des explications qui permettent de justifier qu’une telle situation puisse perdurer plus de deux ans. Les effectifs auraient mal interprété les règles. 

« La faculté d’appréciation laissée aux effectifs par – les consignes générales – avait pu avoir des conséquences inacceptables telles que, par exemple, la privation d’alimentation ou de visite médicale. » En d’autres termes, les policiers n’auraient pas perçu que les personnes détenues doivent s’alimenter ou puissent avoir accès à un médecin. 

C’est ainsi que l’IGPN rapporte tout naturellement que « de manière générale les membres de la hiérarchie intermédiaire reconnaissaient avoir constaté des problèmes qu’ils reliaient le plus souvent non pas à une volonté de priver les déférés de leurs droits mais plutôt à des circonstances particulières, à des comportements individuels inadaptés ou encore à une mauvaise application des règles pourtant régulièrement rappelées ».

Il arrive aussi que des policiers tiennent des propos racistes. Là encore, selon l’IGPN, les circonstances permettraient de l’expliquer. « La hiérarchie intermédiaire entendue à ce sujet reconnaissait être au courant d’un certain nombre de ces faits, même si elle les contextualisait, expliquant que les propos étaient tenus hors de la présence des déférés et dans des cas où les déférés avaient été agressifs. »

Il en va de même pour des pratiques punitives à l’égard des déférés qui sont, là encore, admises. Exemple avec ce major qui, auprès de l’IGPN, « fait état d’une pratique qui consistait, pour certains fonctionnaires, à reporter le repas d’un déféré avec lequel la situation avait été conflictuelle (“tu mangeras plus tard”) ». 

 

Le brigadier-chef Amar Benmohamed, juillet 2020. © AFP
Au fil des auditions, on constate l’acceptation de pratiques discriminatoires, voire de maltraitances à l’égard de personnes que les policiers trouvent finalement naturel de priver de certains droits fondamentaux, en raison de leur origine et de leur statut de déféré. 

 

Ainsi, concernant le comportement agressif de l’une des policières, et non sans une étonnante contradiction, l’IGPN estime que « la hiérarchie du gardien n’était pas restée inactive, mais s’en était tenue aux entretiens informels, sans lui demander la rédaction de rapports et sans initier d’enquête administrative ».

Un major explique avoir entendu « sa subordonnée crier dans le bureau des gradés, vociférer et tutoyer les personnes ». Là encore, il n’a pas jugé nécessaire de demander de sanction. 

Autre illustration d’assentiment à ces dérives, un major rapporte auprès de l’IGPN qu’« il ne lui avait pas été possible de réagir systématiquement aux comportements inappropriés [de ce] gardien de la paix car il lui aurait fallu la recevoir “tous les jours” et aller quotidiennement à l’affrontement ».  

« Sur le plan administratif, l’enquête a mis en lumière des manquements professionnels et des comportements contraires à la déontologie policière », conclut l’IGPN, en se gardant bien d’employer les termes de racisme, d’homophobie ou de maltraitance. 

À l’encontre des quatre gardiens de la paix, elle préconise un avertissement, des alternatives aux poursuites administratives, un blâme et un conseil de discipline. Quant au lanceur d’alerte, elle suggère qu’il écope d’un avertissement (sanction la plus basse et non inscrite dans le dossier du fonctionnaire). La hiérarchie, elle, n’est pas visée par des sanctions.

 

Ce rapport a été remis à la préfecture en janvier 2020. Contactée par Mediapart, la préfecture de police refuse de préciser si des sanctions ou suspensions ont été prises à l’égard des agents, se retranchant derrière le secret de l’enquête préliminaire ouverte par le parquet en juillet. Alors que le dépôt se situe au sein même du tribunal de Paris, la préfecture n’a pas estimé nécessaire de transmettre, lors de la clôture de l’enquête, le rapport de l’IGPN au parquet. 

Contacté par Mediapart, le parquet précise avoir ouvert une enquête préliminaire à la suite des révélations dans la presse du brigadier-chef Amar Benmohamed. Elle devrait chapeauter d’autres enquêtes qui avaient été précédemment ouvertes, à la suite de signalements sur des faits similaires, explique le parquet sans apporter plus d’information sur la nature de ces faits ou sur les auteurs de ces signalements. Il s’agit désormais de vérifier l’ampleur des dérives dénoncées par le brigadier-chef. Depuis le 8 août, et après un arrêt maladie, Amar Benmohamed a repris le travail. 

 

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6 juillet 2020 1 06 /07 /juillet /2020 15:10
“Le GIGN a tué mon tonton” dit la pancarte de l’un des enfants de la famille Garand. “Pas de Justice, Pas de Paix!” scandent-iels. Tout l’après-midi, iels mèneront la marche avec une détermination sans faille pour leur jeune âge, réclamant Justice et Vérité pour leur père/oncle.  ©LaMeute - Jaya

“Le GIGN a tué mon tonton” dit la pancarte de l’un des enfants de la famille Garand. “Pas de Justice, Pas de Paix!” scandent-iels. Tout l’après-midi, iels mèneront la marche avec une détermination sans faille pour leur jeune âge, réclamant Justice et Vérité pour leur père/oncle. ©LaMeute - Jaya

Le GIGN local, (nommé AGIGN en 2016 – antenne GIGN, qui est une unité de la gendarmerie), a été envoyé alors qu’Angelo était à table avec sa famille, chez ses parents, avec le fils d’Aurélie (3 ans en 2017) et toute sa famille. Il se cache dans une remise, appelée la grange par la famille ; le GIGN fouille la maison, la famille se retrouve plaquée au sol “mis en joue, jeté•s à terre, menotté•es” écrivait le collectif dans un communiqué ; un bruit fait pénétrer l’AGIGN dans la grange.

« Ils ont tiré 5 balles dans le corps de mon frère ! » rage Aurélie au micro. « Cœur, foie, poumon, rein. 5 balles dans ses organes vitaux ». Si l’AGIGN affirme avoir effectué une première sommation dans la grange ce 30 mars 2017, Aurélie rétorque :

 Il y avait mon père à 5 mètres. Il n’a rien entendu à part le dernier souffle de son fils ! La première juge s’est déplacée sur les lieux ; elle a vu que s’il y avait eu sommation, toute la famille l’aurait entendue !

La mise en examen a eu lieu six mois après les faits, au soir du déplacement de la première juge sur les lieux (avant que cette dernière ne soit mutée) et de l’audition des deux tireurs; Aurélie s’effare que ces militaires soient encore en fonction aujourd’hui.

« IL N’Y A PAS D‘ACCÈS AUX DROITS, PAS DE DIGNITÉ POUR NOUS EN FRANCE » 
Le Palais de Justice de Blois et une pancarte accrochée sur ses barreaux : “18 septembre 1981 - abolition de la peine de mort”. ©LaMeute-Jaya

Le Palais de Justice de Blois et une pancarte accrochée sur ses barreaux : “18 septembre 1981 - abolition de la peine de mort”. ©LaMeute-Jaya


Les rapports décrivent Angelo comme une personne « issue de la communauté des gens du voyage », le décrivant comme dangereux, pour justifier la violence de l’attaque, comme il est de mise dans les affaires mettant en cause les membres de forces de l’ordre ; face à l’argumentaire qui consiste à dire que « Si on fait intervenir le GIGN c’est que votre Angelo n’était pas un ange » Aurélie répond cet après-midi au micro  en dénonçant le racisme de ces criminalisations systématiques : « Nous n’avons jamais prétendu le contraire !! Oui, il a été incarcéré pour délits mineurs mais il n’a jamais tué personne, lui ! C’est parce qu’on est gens du voyage qu’on nous envoie GIGN – ces antennes ont été créées en 2016 – et mon frère est abattu en 2017 ! (…) Ils l’ont allongé avec son couteau… Oui Angelo avait un couteau sur lui ! Mais ce jour-là, tout le monde avait un couteau… Alors tout le monde aurait pu être tué ? » lance Aurélie.

La famille n’a de cesse de dénoncer le racisme dans cette procédure.
Anina Ciuciu, avocate, première candidate Roms aux sénatoriales de 2017 et autrice du livre Je suis tzigane et je le reste, présente ce jour, remercie chaleureusement Aurélie pour sa dignité et la lutte qu’elle mène, « de la force pure »  : « Aujourd’hui je tiens à prendre la parole en tant que femme gitane (…) moi, je suis entrée en France et la première expérience c’est des policiers qui ont tabassé mon père ; ils ont mis son visage en sang. C’est ça la police en France. (…) On meurt, non seulement de la police, mais aussi dans des aires d’accueil polluées, il n’y a pas d’accès à l’école, il n’y pas de Justice pour nous en France ; il n’y a pas d‘accès aux droits, pas de dignité pour nous en France ! Ca fait 5 siècles qu’on vit le racisme en tant que Roms, gitans, manouches ; je pense aux camps d’internement et j’ai une pensée pour Raymond Gurême, qui aurait été là pour se battre à nos côtés. »     

Anina Ciuciu, Awa Gueye, Aurélie Garand et Yamina D.  ©LaMeute - Jaya

Anina Ciuciu, Awa Gueye, Aurélie Garand et Yamina D. ©LaMeute - Jaya

Aurélie rend hommage également à une autre victime :  Henri Lenfant, 23 ans, père de deux enfants, tué par balle du GIGN en septembre 2018 dans le nord de la France : « Dans la nuque, ils ont tiré !! » s’insurge Aurélie.

« LE PERMIS DE TUER EST INSTAURÉ AVEC LE SANG D’ANGELO »

Aurélie le répètera plusieurs fois cet après-midi: « La mort d’Angelo c’est une exécution légale au pays des droits de l’homme »
C’est la légitime défense qui sera invoquée pour refermer le dossier sans même un procès, mais pas n’importe laquelle ; la légitime défense élargie par l’article L435-1 du code de sécurité intérieure, votée un mois avant la mort d’Angelo.

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Alors que les forces de l’ordre tentent de faire pression sur le gouvernement en campant, cagoulées, devant des médias, devant la Préfecture de Strasbourg (au lendemain de la condamnation du policier qui avait matraqué Marlène Lutz, retraitée, durant une manifestation de Gilets Jaunes en janvier 2019)  ou d’autres lieux symboliques, Munia, l’une des membres du collectif Justice pour Angelo, rappelle :

Cette loi a été obtenue au moment de ces manifestation de policiers illégales qu’on a laissé se faire aussi à l’époque.
— MUNIA, MEMBRE DU COLLECTIF POUR ANGELO

L’une de leurs ‘exigences’ actuelles concerne notamment la réécriture de la note de mars 2015 qui leur permettrait de prendre en chasse des véhicules et ils ont pu l’exprimer récemment au préfet de police, D. Lallement. De quoi s’inquiéter…

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Après la violence de cette opération des forces de l’ordre du 30 mars 2017 et l’arrachement du deuil, la famille a dû affronter la bataille judiciaire ; la première juge qui avait mis en examen deux membres du GIGN de Tours, après avoir fermé l’instruction en janvier 2018, est mutée et la nouvelle juge – « nommée pendant l’été sans qu’on soit averti•es » – ordonne, sans aucune cohérence avec le travail de sa consœur, un premier non-lieu à l’automne. Il est confirmé en appel en février 2019.

Et fin juin, la Cour de Cassation ne reçoit pas le pourvoi; cette procédure de « non-admission », instituée en 2001,  plus simple, plus rapide, induit que la Cour n’a pas besoin de motiver sa décision (contrairement au rejet du pourvoi).

Lorsque le cortège qui rend hommage à Angelo ce 27 juin 2020 arrive devant le Palais de Justice de Blois, Munia lit cette notification lapidaire reçue quelques jours plus tôt :

« Au nom du peuple français – alors vous allez nous dire si vous êtes d’accord avec ça, je ne sais pas si vous êtes d’accord, je ne sais pas si vous êtes le peuple… – après avoir examiné tant la recevabilité des recours que les pièces de procédure, la Cour de Cassation constate qu’il n’existe en l’espèce aucun moyen de nature à permettre l’admission des pourvois. Et c’est tout… »

« Le permis de tuer est instauré avec le sang d’Angelo » résumait Aurélie la veille du rassemblement. Symboliquement, elle verse du faux sang devant le Palais de Justice de Blois. « Quand ils blessent, ça menace tout le monde ! »

«  Le permis de tuer est instauré avec le sang d’Angelo ».  Aurélie Garand verse du faux sang devant le Palais de Justice de Blois.  ©LaMeute - Jaya

« Le permis de tuer est instauré avec le sang d’Angelo ». Aurélie Garand verse du faux sang devant le Palais de Justice de Blois. ©LaMeute - Jaya

L’effroi du collectif est d’autant plus fort que cette décision, qui confirme donc le non-lieu en France, pourra servir de jurisprudence dans d’autres affaires de personnes abattues par les forces de l’ordre.

Ce qui ressort dans les prises de paroles de cet après-midi, c’est aussi les déséquilibres dans les procédures judiciaires. Une succession de décisions bureaucratiques, qui se prennent sans que la famille ait l’impression qu’on l’entende : « les témoignages de la famille n’ont pas été pris en compte » souligne plusieurs fois Aurélie.

Alors que très peu de médias sont présents pour couvrir ce rassemblement, Ian B du collectif Désarmons-Les rappelle à quel point l’avocat des gendarmes mis en cause dans la mort d’Angelo, Me Liénard, a pignon sur rue (voir le portrait de Désarmons-Les ici) :

 c’est lui qui dit sur un plateau TV que son client est effondré parce qu’il ne peut plus étrangler des gens...

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« ON LUTTE POUR TOUS•TES »

« La vérité c’est qu’on est tous•tes potentiellement mort•es car potentiellement dangereux•euses ; on est tous•tes potentiellement mort•es avec cet article de loi ; on peut vous tuer ! » prévient Aurélie, place Louis XII aux passant•es attablé•es en terrasse ou faisant leur shopping. « Vous avez des gens qui se battent pour le droit de vivre et d’autres pour tuer en tout impunité ;  ça peut vous arriver demain »

Awa Gueye exige qu’une reconstitution ait lieu    dans la mort de son frère, Babacar, en 2015,    lui aussi abattu par la BAC de Rennes.  ©LaMeute - Jaya

Awa Gueye exige qu’une reconstitution ait lieu dans la mort de son frère, Babacar, en 2015, lui aussi abattu par la BAC de Rennes. ©LaMeute - Jaya

D’autres collectifs sont venus de partout en France comme Yamina, de Lyon, qui se bat pour que la vérité soit faite sur la mort de son frère Mehdi en 2016 : « c’est notre droit à la vie qui est en jeu en fait ». Elle évoque la bataille pour porter plainte après la mort de son frère. Et la connivence des membres judiciaires, censés enquêter les un•es sur les autres, et donc, la fabrique de l’impunité des forces de l’ordre : « je ne prendrai pas de plainte car ce sont mes collègues … voilà ce qu’on m’a répondu ! Et derrière, on donne le dossier aux mêmes pour juger leurs collègues… On ne scelle pas le scoot ni la voiture de police qui a pare-choqué mon frère. » Des pièces sous scellées ont aussi été « détruites par erreur » selon les autorités, dans l’affaire de la mort de Babacar Gueye en 2015, abattu par la BAC de Rennes. Sa sœur, Awa, sillonne la France sans relâche pour raconter son histoire et réclamer justice.  Elle est aussi présente aujourd’hui.

Ramata Dieng le rappelle, avec une aigre ironie : « au moins avec, la peine de mort il y avait un procès… (…)Pendant le confinement, il y a eu 10 morts dont 4 gardés à vue !!! (…) Les magistrats, systématiquement, protègent les criminels parce qu’ils portent l’uniforme de la police ; les preuves, les témoignages ne suffisent pas aux magistrats pour qu’ils ouvrent des procès. On en est à seulement exiger une ouverture de procès. On continuera à se battre parce qu’il s’agit d’un modèle de société que nous allons léguer à nos enfants. (…)».  

Ian B, dans un discours poignant, détaille pourquoi l’abolition de la police est la seule solution pour reprendre en charge nos vies.

Le collectif Cases Rebelles proposait une traduction de cette tribune publiée sur le New York Times par Mariame Kaba, le 12 juin 2020, disponible ici : https://www.facebook.com/search/top/?q=collectif%20cases%20rebelles%20tribune%20new%20york%20times&epa=SEARCH_BOX

« La confrontation sera inévitable ; ils ne veulent pas déconstruire ? On va détruire ! Après la colère, il y a la haine … S’il y a une dernière sommation, c’est bien celle-là ! » résume un membre de l’Assemblée des Blessé•es ce 27 juin 2020.

La marche cette année est très encadrée : police municipale, police nationale et policiers en civil. Aurélie s’adressera directement à eux en fin de Marche : “et ça ricane… Mais nous on restera dignes !”  ©LaMeute - Jaya

La marche cette année est très encadrée : police municipale, police nationale et policiers en civil. Aurélie s’adressera directement à eux en fin de Marche : “et ça ricane… Mais nous on restera dignes !” ©LaMeute - Jaya

« Ses enfants avaient besoin d’Angelo, nous on en avait besoin … Et ça ricane » Aurélie s’adresse à ces policiers, les lèvres serrées et restant digne, aux policiers, nombreux, de la police municipale, de la police nationale, certains en civil mais armes bien visibles, qui encadrent la marche cette année. Ils esquisseront souvent des sourires alors que les familles expriment leurs douleurs et leur colère.

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La Marche prend fin par un lâcher de ballons blancs en mémoire d’Angelo. Ce qui reste aussi de cet après-midi, c’est la solidarité entre les familles, les embrassades chaleureuses, le soutien. Parce que, comme crié à plein poumon aujourd’hui:

« Quand on marche pour Un•e, on marche pour Tous•tes ; quand on lutte pour un•e, on lutte pour Tous•tes. »  

©LaMeute - Jaya

 

https://www.lameute.info/posts/-la-mort-d-angelo-garand-cest-une-excution-legale-au-pays-des-droits-de-lhomme-un-proces-pour-angelo-marche-du-27-juin-2020-aurelie-france-violences-policieres

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 11:31

Par La ligue des droits de l'homme (LDH) — 1 juillet 2020

Seule la création d'une commission indépendante placée sous l’autorité de la Commission nationale consultative des droits de l'homme permettra de lutter contre les discriminations raciales et la violence qui les accompagne.

Tribune. Le monde entier défile, avec ou sans autorisation, pour condamner l’assassinat de George Floyd, honorer sa mémoire, et déclarer qu’enfin les personnes noires, victimes à différents degrés de racisme systémique et institutionnel, doivent pouvoir « respirer », c’est-à-dire vivre comme tout être humain, libre et égal aux autres, en a le droit imprescriptible.

Ce que demandent particulièrement ces manifestants, c’est que ne soient plus ni tolérées, ni protégées, ni a fortiori encouragées par les pouvoirs publics et leurs représentants du haut en bas de la « chaîne de commandement » les violences, les humiliations quotidiennes fondées sur l’apparence, les origines ou le domicile, ainsi que les brutalités pouvant aller jusqu’à la mort.

En France, malgré l’évidence d’un passé colonial qui pèse encore sur les rapports sociaux, malgré les manifestations innombrables de la combinaison des inégalités sociales, territoriales et raciales, malgré les cris de douleur et de colère de celles et ceux qui en sont les victimes, relayés par les associations et authentifiés par le Défenseur des droits lui-même, la dénégation est officialisée.

Au lendemain d’une mobilisation sans précédent sur ces sujets, le ministre de l’Intérieur se bornait à déclarer que les policiers sous ses ordres « protègent tous les Français, y compris contre le racisme ».

Cette provocation valant promesse d’impunité pour ceux des policiers et des gendarmes qui confondent une identité avec un faciès a fait long feu.

Face à la mobilisation grandissante, le ministre et le gouvernement promettent aujourd’hui de renoncer à telle technique, telle procédure, de faire respecter la loi par les forces de l’ordre et exhibent à point nommé rapports et enquêtes…

S’il est non négligeable, ce changement de ton ne saurait être suffisant.

Crever l’abcès en parlant vrai

Alors que s’atténue peu à peu une crise sanitaire au cours de laquelle l’ampleur des discriminations sociales et territoriales s’est trouvée exposée en pleine lumière, et dont on découvre qu’elle a aussi recouvert de nombreuses « bavures » dans l’application des politiques sécuritaires, il est urgent de crever l’abcès en parlant vrai.

Parler vrai, c’est rappeler aux pouvoirs publics qu’ils doivent respecter et faire respecter les droits fondamentaux en manifestant le courage de la sanction.

Parler vrai, c’est reconnaître le rôle des institutions et des politiques dans le développement du racisme et des discriminations.

Parler vrai, c’est nommer les coupables de violence et de racisme ainsi que leurs responsables et exiger qu’ils soient sanctionnés.

Parler vrai, c’est répondre à celles et ceux qui se mobilisent pour le respect de leurs droits fondamentaux, la justice sociale, la justice tout court.

La société civile, les associations de défense des droits, les comités constitués autour d’affaires de violences policières avancent de longue date des propositions en ce sens.

Certaines sont reprises par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), ainsi que par le Défenseur des droits.

Elles constituent une base pour engager une réforme profonde de la police, de ses missions, de ses méthodes, de son contrôle.

Nous, citoyennes et citoyens de toutes opinions, de toutes origines, de toutes confessions, de tous âges, genres et professions, réclamons la création d’une commission indépendante, placée sous l’autorité de la CNCDH, qui reçoive les doléances des victimes, écoute toutes les personnes et organisations concernées et fasse des propositions qui permettent de renouer le lien entre les forces de l’ordre et la population et de combattre les violences et le racisme.

Le président de la République a récemment réitéré le vœu de faire prendre à la nation éprouvée par la crise sanitaire un nouveau départ.

Ce renouveau ne se fera pas sans qu’on apure de notre présent les discriminations raciales et la violence qui les accompagne. Il ne se fera pas sans tous les citoyens. Il a besoin de vérité et de justice.

A l’initiative de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et signé par plusieurs personnalités :

Estellia Araez présidente du Syndicat des avocats de France (Saf) ;
Etienne Balibar, philosophe ;
Mamoudou Bassoum, champion d’Europe de taekwondo, Gilet jaune ;
Lassana Bathily, écrivain franco-malien ;
Judith Bernard, metteuse en scène et enseignante ;
Patrick Chamoiseau, écrivain ;
Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite à l’Université Paris Diderot ;
Vanessa Codaccioni, sociologue ;
Annick Coupé, militante altermondialiste ;
Laurence De Cock, historienne et essayiste ;
Didier Fassin, anthropologue et médecin ;
Eric Fassin, sociologue ;
Nora Hamadi, journaliste ;
Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public ;
Cédric Herrou, Communauté paysanne Emmaüs Roya ;
Geneviève Jacques, ancienne présidente de La Cimade ;
Leslie Kaplan, écrivain ;
Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la LDH ;
Geneviève Legay, militante altermondialiste ;
Eléonore Luhaka, éducatrice et actrice sociale ;
Maryam Madjidi, écrivaine, réfugiée iranienne ;
Gustave Massiah, membre du comité international du Forum social mondial ;
Fatima Mostefaoui, porte-parole de « Femmes des quartiers populaires » ;
Laurent Mucchielli, sociologue (CNRS) ;
Latifa Oulkhouir, directrice du Bondyblog ;
Gilles Porte, cinéaste ;
Judith Revel, philosophe ;
Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS ;
Joël Roman, président de la Ligue de l’enseignement ;
Malik Salemkour, président de la LDH ;
Laurent Thines, neuro-chirurgien ;
Lilian Thuram, président de la Fondation Education contre le racisme ;
Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, enseignante chercheuse ;
Maryse Tripier, sociologue de l’immigration ;
Françoise Vergès, militante féministe antiraciste ;
Comité Adama Traoré ;
Catherine Wihtol de Wenden, politologue CNRS ;

Et plusieurs organisations :

Action droits des musulmans (ADM), Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM), Association des jeunes Chinois de France (AJCF), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), Avec nous, Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), Collectif Vies volées, Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Comité pour Liu Shaoyao, Comité vérité et justice pour Lamine Dieng, Confédération générale du travail (CGT), Conseil représentatif des institutions noires de France (Cran), Coordination nationale Pas sans Nous !, Emmaüs France, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et Gens du voyage (Fnasat-Gens du voyage), Fédération syndicale unitaire (FSU), Femmes des quartiers populaires, Fondation Copernic, Fondation Danielle Mitterrand, Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Jeunesse au plein air (JPA), Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), La Cimade, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue de l’enseignement, Mémorial 98, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), Réseau euro-maghrébin citoyenneté et culture (REMCC), Union juive française pour la paix (UJFP), Union nationale des étudiants de France (Unef), Union nationale lycéenne (UNL), Union syndicale Solidaires, Solidarité laïque, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social – Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ/FSU).

Source :
https://www.ldh-france.org/verite-et-justice/

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 01:53

Le 28 juin 2020

Le tribunal administratif de Bastia a reconnu la responsabilité de l'Etat dans la mort d'un homme tué par un policier hors service, estimant que son arme aurait dû lui être retirée parce qu'il était suspendu de son habilitation d'officier de policier judiciaire.

Le 14 juillet 2016, à Biguglia, la victime avait tenté de s'interposer entre le policier, Philippe Soudais, et son épouse, avec laquelle il était en instance de divorce. Le policier lui avait tiré dessus à plusieurs reprises avec son arme de service, le blessant mortellement. Le policier s'était suicidé en août 2016, alors qu'il était incarcéré à la prison de Borgo.

Lors de l'audience devant le tribunal administratif, le 28 mai dernier, l'avocat de la famille de la victime, Me Benjamin Genuini, avait reproché à l'administration « d'avoir laissé son arme de service » à ce policier alors qu'il était sous le coup d'une suspension de son habilitation d'officier de police judiciaire pour une durée de quatre mois, en attente de son passage devant le conseil de discipline à l'automne 2016, et qu'il avait déjà été condamné à deux reprises en correctionnelle, en 2010 et 2016, pour violences volontaires sur sa conjointe.

Me Benjamin Genuini, joint par l'AFP, considère également que les services pénitentiaires avaient une responsabilité dans ce dossier : « Monsieur Soudais n'a pas été pris en charge dans cette affaire malgré les alertes répétées et alors qu'il avait déjà fait une première tentative de suicide ».

Le tribunal administratif n'a pas suivi la partie civile sur ce point.

« C'est important pour nos clients d'avoir une reconnaissance de la faute de l'Etat, ça les aidera sans doute à pouvoir faire leur deuil », a commenté l'avocat bastiais.

L'État a deux mois pour faire appel de cette décision rendue mercredi dernier.

Source :
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/l-etat-reconnu-responsable-de-la-mort-d-un-homme-tue-par-un-policier-a-bastia-20200628

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 01:10

Le 23 juin 2020

Les rédactions de Mediapart et de La Revue dessinée unissent leurs forces pour rompre le silence sur la violence d’État dans un hors-série exceptionnel. Commandez dès à présent votre exemplaire.

Un homme qui crie sept fois « j’étouffe » avant de mourir lors d’un banal contrôle routier.

Des lycéens agenouillés les mains derrière la tête. Des pompiers frappés par des policiers.

Des soignantes traînées au sol par les forces de l’ordre.

Des « gilets jaunes » mutilés.

Des actes, des paroles et des écrits racistes banalisés.

Des rassemblements noyés sous les gaz lacrymogènes et victimes des LBD.

Une police des polices qui enterre les dossiers.

Et des familles endeuillées, qui ne demandent qu’une chose depuis des années : « justice et vérité ».

Face à cela ? Un déni, un outrage même, prononcé par le président de la République en personne : « Il n’y a pas de violences policières. »

Raconter les vies brisées, décrypter la fabrique de l’impunité, remonter les chaînes de responsabilité, voilà qui devient une nécessité, que ce soit écrit, filmé ou dessiné.

D’où ce hors-série exceptionnel Mediapart/La Revue dessinée, à mettre sous les yeux de tous ceux qui veulent comprendre, et de tous ceux qui détournent le regard.

Vous pouvez dès à présent commander votre revue ici, elle vous sera livrée la semaine du 13 juillet en avant-première.
Sortie en librairie : 30 septembre 2020.

Au sommaire :

160 pages d’enquête en bande dessinée.
Avec : Marion Montaigne, Assa Traoré, David Dufresne, Fabien Jobard, Pascale Pascariello, Vanessa Codaccioni, Camille Polloni, Louise Fessard, Claire Rainfroy, Benjamin Adam, Vincent Bergier, Michel Forst, Aurore Petit, Thierry Chavant, Géraldine Ruiz.

* Accuser le coup
L’affaire Geneviève Legay : une charge, des révélations en série, de l’embarras, des médailles et du déni.

* Colère noire
Après le meurtre de George Floyd aux États-Unis, plongée dans le mouvement Black Lives Matter, de l’étincelle à l’embrasement.

* Corriger le tir
Sourde aux critiques qui lui sont adressées, la France est l’un des rares pays européens à utiliser sans réserve les LBD.

* La vie volée de Maria
Après un déchaînement de violence contre une jeune femme, la police des polices protège les siens.

* Le flic du futur
Drones, robots et policiers augmentés... Au salon Milipol se dessine l’avenir high-tech des forces de l’ordre.

* Plusieurs entretiens au fil du numéro
Assa Traoré, Fabien Jobard, Vanessa Codaccioni, David Dufresne et Michel Forst.

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 07:26

Par David Dufresne, 13 juin 2020

Plongée dans la fabrique de l’impunité

Allô Place Beauvau se transforme et s’étend. Allô Place Beauvau a permis pendant dix huit mois de signaler, vidéos à l’appui, les violences policières lors des manifestations (mouvement des « gilets jaunes », pompiers, retraites, lycéens). La plateforme s’élargit et intègre à présent ces violences hors manifestations ainsi que la façon dont elles sont traitées par l’IGPN.

Lire la suite :
http://www.davduf.net/allo-igpn-que-fait-vraiment-la-police-des-polices

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 07:22

Le 12 juin 2020

L'avocat de la famille d'Adama Traoré, mort en 2016 après son arrestation, s'interroge sur l'existence d'un passif entre le jeune homme de 24 ans et un des trois gendarmes ayant procédé à son interpellation, dans un courrier aux juges daté de vendredi.

L'avocat de la famille d'Adama Traoré, mort en 2016 après son arrestation, s'interroge sur l'existence d'un passif entre le jeune homme de 24 ans et un des trois gendarmes ayant procédé à son interpellation, dans un courrier aux juges daté de vendredi.

Interrogé dix jours après le décès, ce militaire avait affirmé connaître M. Traoré et précisé qu'il était "très défavorablement connu" de ses services, selon un procès-verbal dont a eu connaissance l'AFP.

"Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai procédé à son interpellation, mais peut-être trois ou quatre fois en trois ans. À chaque fois, cela s'est mal passé car il y a toujours eu une opposition violente de cet individu. Il y a eu des violences, des rebellions, des outrages, des fuites", avait déclaré le chef d'équipe lors de cette audition par les enquêteurs.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré était décédé dans la caserne des gendarmes de Persan près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) et au terme d'une course-poursuite, après avoir échappé à une première interpellation.

L'avocat de la famille Traoré avance la possibilité d'une "vengeance" envers le jeune homme

L'avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, demande donc à ce que soient jointes à l'enquête les procédures dans lesquelles les trois gendarmes, placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté, ont eu affaire à Adama Traoré, avant le 19 juillet 2016.

"L'étude des relations passées entre Monsieur Traoré et les gendarmes interpellateurs est utile pour comprendre le contexte de l'interpellation ainsi que l'état d'esprit dans lequel" ils se trouvaient, écrit-il.

Me Bouzrou avance la possibilité d'une "vengeance" envers le jeune homme et estime que "cette hypothèse doit être envisagée par la justice".

Contacté par l'AFP, l'avocat du chef d'équipe des gendarmes, Me Rodolphe Bosselut, n'était pas disponible pour réagir dans l'immédiat.

Dans le sillage de la mort de George Floyd aux Etats-Unis, la famille d'Adama Traoré tente de relancer médiatiquement l'affaire en France, érigée en symbole des violences policières.

Après une première manifestation qui a rassemblé 20.000 personnes devant le tribunal judiciaire de Paris le 2 juin, un défilé est organisé samedi, de la place de la République à Opéra.

Le dossier judiciaire s'est lui mué en bataille d'ordre médical: d'un côté, des expertises ordonnées par les juges d'instruction mettent hors de cause les gendarmes; de l'autre, des rapports réalisés à la demande des proches du jeune homme balayent leurs conclusions.

La famille d'Adama Traoré a également fait récemment plusieurs demandes d'actes aux magistrats, dont le désaisissement du service chargée de l'enquête, qui a été refusé, ou encore l'identification d'un témoin qui avait aidé le jeune homme à échapper à sa première arrestation le 19 juillet.

Source :
https://www.ladepeche.fr/2020/06/12/affaire-adama-traore-lavocat-de-la-famille-sinterroge-sur-un-passif-entre-le-jeune-homme-et-un-des-gendarmes,8929828.php

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 05:53

Depuis France Culture, le 15 juin 2020

Adama Traoré est mort le 19 juillet 2016, le jour de ses 24 ans, à la gendarmerie de Persan après avoir été interpellé à Beaumont sur Oise (Val d'Oise). En 2017, sa soeur Assa Traoré témoignait dans Les Pieds sur terre.

1ère diffusion : le 9 juin 2017

Assa Traoré revient sur sa plus grand fierté et ce qui constitue une des forces essentielles de son combat : l'union de sa famille et ses valeurs. 

"Je suis fière de tout cet amour que mon père a laissé entre nous. Avant de partir, il nous a demandé de protéger nos petits frères, et aux petits de protéger les grands."

Son père a eu successivement plusieurs femmes dans sa vie, Assa a donc seize frères et sœurs, dont chacun, dit-elle, occupe une place particulière dans la famille. 

"Quand nous étions plus jeunes, mon père avait déjà divorcé de Françoise, mais nous allions en vacances chez elle. Et les enfants de la première femme de mon père, Elisabeth, qu'elle avait eu avec un autre homme, venaient en vacances chez mon père."

Dans cette grande famille soudée, les enfants sont moitié blancs et catholiques, d'autres maliens et musulmans. 

"On n'a pas la même couleur, ou la même religion mais on a tous mangé les mêmes frites à la cantine, joué dans le même bac à sable, lu les mêmes livres, regardé les mêmes émissions."

Assa Traoré revient sur ce 19 juillet 2016. Le jour de ses vingt-quatre ans, son frère Adama est interpellé par la police. 

"Ce jour-là j'étais en Croatie pour déplacement professionnel, je lui avais envoyé un message d'anniversaire à 10H30 sur Facebook. Ce sont mes derniers échanges avec mon frère."

"La mairie l'avait appelé pour qu'il vienne récupérer sa carte d'identité. Sur le chemin, n'ayant pas sa carte d'identité sur lui, il décide d'éviter la police. C'est quelque chose que n'importe quel jeune de quartier ferait pour éviter la violence."

"Mais les policiers l'interpellent, et le frappent. Comme ils sont en civils, une personne intervient et s’interpose. Adama part se réfugier dans l’appartement d'une connaissance à lui."

"Les gendarmes entrent dans l'appartement : "Je n'arrive plus à respirer" ; ce sont les gendarmes eux-mêmes qui m'ont rapporté ses dernières paroles. Mon petit frère a pris le poids de trois corps sur lui."

"Ils le le lèvent pour l'emmener à la gendarmerie. Adama répète "je n'arrive plus à respirer", il pique de la tête et urine sur lui. Le lieu d'interpellation est à 200 mètres de l'hôpital, mais au lieu de ça, ils décident qu'Adama ne vivra pas."

"Vers vingt-et-une heures, les pompiers disent à ma mère de se rendre à la gendarmerie.  Les gendarmes ne la laissent pas entrer mais lui assurent que son fils va bien."

Adama est en réalité déjà mort à ce moment-là ; 19h05, étant l'heure officielle du décès.

"Aux alentours de vingt-trois heures quinze, Yacouba et ma mère retournent à la gendarmerie, Yacouba bloque la porte et dit qu'il veut voir son frère. Un gradé les fait entrer et les asseoit séparément. Il leur annonce qu'Adama est mort."

"Yacouba s'énèrve, les gendarmes lui sautent dessus, le gazent lui et ma mère et les font sortir de la gendarmerie."

Depuis ce jour, Assa et toute sa famille se battent pour connaître la vérité sur ce qui s'est passé. 

"On se rend compte au fil de l'enquête qu'il manque des rapports, comme celui des pompiers, qui réapparaît sur insistance de notre avocat. Les pompiers ont trouvé mon frère en position PLS, menotté. À deux reprises les pompiers demanderont aux gendarmes de lui enlever les menottes."

"Dès la première autopsie, le procureur Yves Jannier dira qu'il est mort de cause cardiaque et d'une infection." 

"Puis de manière très courtoise, ils nous diront : "Comme vos êtes musulmans, vous devez enterrer le corps sous trois jours, alors nous nous sommes permis de contacter Air France pour qu'ils le rapatrient rapidement, vous pouvez reprendre le corps." 

"Mais nous avions demandé une deuxième autopsie, indépendante. Et à partir du moment où le corps est repris, il est souillé et aucune autopsie n'est plus permise. Alors douloureusement, on a repoussé le corps d'Adama pour montrer à la justice que nous n'étions pas dupes."

La deuxième autopsie a révélé la vérité : Adama est mort asphyxié. 

"Adama était une personne très positive. Les gens l'appelaient "le maire de la ville", car il arrivait toujours à trouver les bons mots pour régler des conflits. Les gens l'aimaient énormément et ils se sont mobilisés naturellement quand ils ont appris sa mort. "

Chanson de fin : "Broken" par Tracy Chapman - Album : "Let it rain" (2002) - Label : Elektra records

  • Reportage : Leila Djitli
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Ecouter le podcast :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/les-pieds-sur-terre-emission-du-lundi-15-juin-2020

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 05:39

Le 15 juin 2020
« La technique dite de l’étranglement continuera d’être mise en oeuvre avec mesure et discernement », selon le directeur général de la police nationale.

 

La technique controversée dite de « l’étranglement », dont l’abandon annoncé par Christophe Castaner a suscité la colère des policiers, « continuera d’être mise en œuvre » jusqu’à ce qu’une nouvelle technique d’interpellation soit définie, a indiqué, ce lundi, Frédéric Veaux, le chef de la police nationale.

« Dans l’attente de la définition d’un nouveau cadre et dans la mesure où les circonstances l’exigent, la technique dite de l’étranglement continuera d’être mise en œuvre avec mesure et discernement et sera remplacée au fur et à mesure de la formation individuelle dispensée (…) », écrit le directeur général de la police nationale (DGPN), dans une note de service.

« C’était une méthode qui comportait des dangers »

Frédéric Veaux précise qu’un groupe de travail sera installé mercredi prochain « pour définir une technique de substitution ».

Il rendra ses conclusions « avant le 1er septembre ».

Le patron de la police nationale rappelle, par ailleurs, que « la "prise arrière" pour immobiliser la personne debout ou l’entraîner au sol afin de la menotter est toujours enseignée et appliquée ».

L’annonce de l’abandon de la clé d'« étranglement » par Christophe Castaner, le 8 juin, avait provoqué la colère des syndicats de police et des agents sur le terrain.

« La méthode de la prise par le cou, dite de l’étranglement, sera abandonnée et ne sera plus enseignée dans les écoles de police et de gendarmerie. C’était une méthode qui comportait des dangers », avait affirmé Christophe Castaner, lors d’une conférence de presse.

Source :
https://www.20minutes.fr/societe/2800363-20200615-police-conserve-cle-etranglement-attendant-autre-technique-interpellation

 

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 05:38

Le 13 juin 2020
L'expression créée par le collectif Adama Traoré, qui a appelé à la mobilisation, a été utilisée massivement sur les réseaux sociaux ce samedi 13 juin.

Ce samedi 13 juin, place de la République deux  “Générations” se sont opposées. D’un côté les militants de “Génération Identitaire” et leur happening sur les toits pour dénoncer ce qu’ils appellent le racisme anti-blanc.

De l’autre la “Génération Adama” rassemblée pour dénoncer les violences policières.

LeHuffPost a demandé à ces manifestants ce que signifiait cette expression dans la vidéo à découvrir en tête d’article.

À l’origine de cette formule, le collectif Adama Traoré qui milite pour que la lumière soit faite sur la mort de ce jeune durant un contrôle de police en juillet 2016.

“La ‘génération Adama’, c’est la génération du changement”, explique Alexia.

“On voit des inégalités et on est cette génération qui n’a pas peur de s’exprimer, de manifester et de faire bouger les choses.”

 

“Ne plus être une proie pour la police”

Parmi les manifestants du cortège parisien, on retrouvait beaucoup de jeunes qui pour la plupart n’ont pas l’habitude de battre le pavé. C’est notamment le cas de Sofiane qui se reconnaît dans ce mouvement.

“Il y a quelque chose qui est en train de naître, voire de renaître, car il ne faut pas invisibiliser les luttes de nos aînés”, confie-t-il. “Il y a une prise de conscience que notre génération de descendant d’immigrés peut avoir un vrai pouvoir dans notre pays. Nous ne sommes pas uniquement reclus dans nos cités ou nos quartiers!”

Un peu plus loin dans le cortège, Thierry, 40 ans, partage également ce constat: “Il y a une vraie prise de conscience de la nouvelle génération et même de la part de certains anciens”.

Cynthia, 26 ans, manifeste pour la seconde fois de sa vie. Elle revendique aussi ce titre de “Génération Adama” qui a soif d’égalité.

“J’espère ne plus avoir peur de sortir dans la rue et d’être une proie pour la police. J’aimerais que tous les Français -peu importe la couleur de peau- nous ayons tous les mêmes opportunités en termes de travail, en termes de logement et que la justice nous traite de la même manière que les autres.” 

Source :
https://www.huffingtonpost.fr/entry/quest-ce-que-la-generation-adama-on-a-demande-aux-manifestants_fr_5ee4ea58c5b638339d1d8b90

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 03:00

Commémoration Lamine Dieng
Mort par plaquage ventral dans un fourgon de police
Samedi 20 juin 2020
13h12
Place de La Bourse
Bordeaux

En solidarité avec la marche organisée par la famille à Paris

APRÈS 13 ANS DE LUTTE, L'ÉTAT FRANÇAIS RECONNAÎT SA RESPONSABILITÉ

Mains menottées, pieds sanglés, à plat ventre, le poids de plusieurs policiers agenouillés sur le corps pendant 30 minutes, Lamine est mort écrasé par environ 300 kg le 17 juin 2007.
Lamine a subi 2 techniques policières d'étouffement : la clé d'étranglement avec matraque et le plaquage ventral.
Lamine est mort par asphyxie mécanique, à 25 ans.
La vidéo montrant la mort de George Floyd illustre parfaitement la mise à mort de Lamine.
Lamine a été victime de la haine anti-Noir et du racisme qui sévit dans la police.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) a rendu son arrêt sur le meurtre de Lamine, conformément à la Convention européenne des droits de l'homme.
Oui, Lamine avait droit à la vie. (art. 2)
Oui, Lamine a subi un traitement inhumain et dégradant. (art. 3)
L'État républicain français, pour clore les poursuites à son encontre, a accepté de verser à la famille la légitime indemnisation fixée par la CEDH. Par cet acte, il reconnait (1) que plusieurs de ses agents ont infligé en groupe la mort à un homme non-armé qui ne les menaçait pas, (2) que plusieurs de ses agents ont failli à leur devoir qui était de conduire un procès équitable pour rendre justice.
Oui, Lamine a été massacré par la police et déshumanisé par la justice.
Nous avons franchi une étape.
Poursuivons le combat pour le triomphe de la Vérité et de la Justice !
#LaissezNousRespirer ! #STOPRacismeAntiNoir ! #STOPAuxCrimesPoliciers ! #STOPALImpunité !

SANS JUSTICE, PAS DE PAIX PAS DE PAIX SANS JUSTICE !

| Masque | Gel | Gestes de protection | En autogestion

collectif Contre Les Abus Policiers - C.L.A.P33
www.clap33.com / collectif.clap33@gmail.com
collectif Vies Volées
La vérité pour Adama

Les Mutilé.e.s Pour L'Exemple
collectif Jaunes Etc

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12 juin 2020 5 12 /06 /juin /2020 08:47
 PAR  ET 

Pendant six mois, nous avons épluché des milliers de pages et analysé un par un 65 dossiers de l’IGPN. L’analyse globale met au jour des techniques récurrentes permettant à la police des polices de blanchir massivement les forces de l’ordre.

 

Dans son dernier rapport annuel, l’inspection générale de la police nationale se défend fermement d’être « la police des polices », mission qui « reste dans l’imaginaire populaire ». Sa directrice fait même assaut de transparence : son « ambition première » n’est pas de contrôler mais de « valoriser l’institution et ses agents ».

 

 

Cet aveu, en bonne place (dans l’éditorial dudit rapport), est certainement le meilleur effort de sincérité auquel s’est livré l’IGPN depuis des années. Une institution qui n’hésite pas à légitimer, de la part des forces de l’ordre, « des ripostes plus nombreuses et plus fermes et donc des blessés » du fait « des violences exercées contre [elles] lors des manifestations ».

Attendre de cette instance un devoir d’impartialité serait donc vain. Et depuis plusieurs mois, au regard de certains dossiers emblématiques, l’idée s’est installée que la police des polices n’inspectait rien sinon les meilleurs moyens de préserver les forces de l’ordre.

Encore fallait-il démontrer cette impression, ou la démonter. C’est tout l’objet d’Allô IGPN, suite logique du travail entamé il y a 18 mois avec Allô Place Beauvau sur Twitter puis sur Mediapart, qui visait à recenser les abus policiers survenus dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, et à interpeller le ministère de l’intérieur.

 

Brigitte Jullien, directrice de l'Inspection générale de la police nationale. © AFP.

Pendant six mois, nous avons donc épluché des milliers de pages d’« enquêtes » pour tenter notamment de comprendre quel type de matériau et quelles conclusions étaient transmis aux procureurs.

Aux classements sans suite, nous avons voulu en donner une. Fût-elle seulement journalistique.

Allô IGPN est en ce sens la première plongée en profondeur jamais réalisée dans les arcanes de l’institution. À travers 65 enquêtes IGPN (et IGGN), dont toutes avaient fait l’objet d’un signalement d’Allô Place Beauvau, nous avons ainsi pu déceler des permanences dans les méthodes visant à blanchir les policiers, vu apparaître des constantes, des modes opératoires.

Nous proposons également un certain nombre de témoignages de victimes qui ont finalement refusé de porter l’affaire en justice. Leurs raisons sont éloquentes.

Mais ce n’est pas tout. Allô IGPN analyse également les rapports annuels émis par l’institution, pour y déceler une évidence : entre les indicateurs dont la méthodologie est modifiée d’une édition à l’autre, ceux qui sont créés au fil du temps et ceux qui disparaissent, tout semble concourir à nuire à une lecture claire de l’activité de cette institution publique.

Notre travail ne s’arrête pas là. À l’avenir, nous continuerons à signaler les interventions policières suspectes les plus symboliques dans les manifestations, mais aussi et c’est nouveau, hors manifestations, Allô IGPN permettra de savoir quelques mois plus tard comment la police des polices a traité ces cas de violences dans ses rangs. Mais d’ores et déjà, une typologie se dégage.

  • L’identification laborieuse des policiers auteurs de violences 

 La non-identification de policiers à l’origine de violences est l’un des motifs fréquents des classements sans suite. 

« L’IGPN ne se donne pas réellement les moyens d’identifier les policiers qui ont commis des violences ayant entraîné des blessures ou des mutilations », déplore l’avocate rouennaise Chloé Chalot, qui depuis l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes travaille sur les violences policières. 

« Les enquêteurs se contentent des déclarations des policiers sans aller plus loin. Il n’y a pas d’investigations complémentaires pour les vérifier », poursuit-elle. 

Chloé Chalot revient sur l’affaire de Sébastien M., blessé à la tête lors d’une manifestation de gilets jaunes, le 12 janvier 2019 à Paris par un tir de lanceur de balles de défense (LBD), lui occasionnant 30 jours d’interruption totale de travail. 

À partir de vidéos de témoins, une brigade d’une vingtaine de policiers en civil est identifiée. Il s’agit des Détachements d’action rapide (les DAR renommés depuis les BRAV-M), des binômes à moto, résurgence des « voltigeurs » interdits depuis la mort de Malik Oussekine en 1986. Trois détenteurs de LBD sont identifiés. Auditionné par l’IGPN, le lieutenant commandant la brigade confirme les tirs, mais explique ne pas être en mesure « de donner le nombre de cartouches »

Et pour cause, les fiches dites TSUA, qui permettent de suivre l’usage des armes avec l’heure, le lieu et l’auteur n’ont pas été rédigées « sur instruction de la hiérarchie », selon le lieutenant , car « il y avait trop de tirs et il était inutile de faire un écrit ».

On apprend que « les consignes initiales au début des manifestations des gilets jaunes étaient de ne pas rédiger » de fiches. « Les détenteurs de LBD donnaient le nombre de munitions tirées et l’officier faisait une synthèse. »

C’est ainsi que la non-traçabilité des tirs des policiers était organisée par la hiérarchie, ordres contraires au règlement. Les trois policiers porteurs de LBD ont, au cours de leur audition, nié être les auteurs de tirs. L’un d’entre eux affirme « ne pas se souvenir avoir fait usage du LBD ». 

Malgré ce dispositif illégal décidé par les autorités chargées des opérations, malgré l’identification de trois suspects, l’IGPN se contente des déclarations des policiers et conclut que « les différentes investigations ne permettent pas d’identifier le policier ayant fait usage d’un lanceur de balles de défense ». Le 19 février 2020, la vice-procureure de la République de Paris, Claire Vuillet, suit les conclusions de l’IGPN et classe sans suite.  

Visage dissimulé, absence de brassard, de matricule, dans de nombreux dossiers que nous avons analysés, ces entorses au règlement (règlement général d’emploi) permettent de ne pas retrouver les auteurs des violences. Et ne sont pas retenues par l’IGPN à l’encontre des forces de l’ordre. 

« La police française ne respecte pas la loi et on s’en contente en classant sans suite », commente l’avocate Chloé Chalot. 

En outre, les conséquences sont calamiteuses, puisque ce sont ces pratiques de l’IGPN qui dissuadent les victimes de violences de porter plainte. Comme Victoire (touchée à Paris par un tir de LBD). Elle ne s’est pas rendue à l’IGPN par « exaspération contre la machine à blanchir qu’[elle] n’avait pas envie de cautionner ».

D’autres, parce qu’au commissariat (à Rouen), on a refusé d’enregistrer leur plainte (« le policier a accepté seulement de rédiger une main courante, en promettant que c’était équivalent à un dépôt de plainte, on n’était pas dupe »). Méfiance, découragement, crainte d’être « embourbé » dans des procédures longues, peur des frais de justice, ou simplement de la police. Certains ont des remords, tel Émilien, blessé par une grenade désencerclante, à Nantes : « Porter plainte me paraissait totalement inutile à ce moment-là. J’ai regretté bien après avoir guéri. »

 

 

Des éléments de preuves non exploités, des victimes criminalisées et un recours à la force légitimé

  • L’exploitation tardive des preuves au risque de leur disparition 

Des vidéosurveillances trop tardivement réquisitionnées, des armes non expertisées, des enregistrements radio non saisis. Il n’est pas rare que des éléments de preuves ne soient pas exploités par l’IGPN. 

L’enquête sur la mort de Zineb Redouane pourrait être un cas d’école : cette femme algérienne de 80 ans est décédée à la suite d’un tir de grenade lacrymogène MP7 alors qu’elle fermait la fenêtre de son appartement, lors de la mobilisation des gilets jaunes à Marseille, le 1er décembre 2018. 

Après identification de la compagnie de CRS à l’origine des tirs, l’IGPN, saisie de l’enquête, réclame les cinq lanceurs Cougar, pour un examen balistique. Un capitaine de la CRS 50 refuse de donner suite à cette demande, prétextant ne pouvoir s’en « démunir », « pour ne pas obérer la capacité opérationnelle de l’unité ». Dans le cadre d’une procédure judiciaire, un tel refus est irrecevable. L’IGPN ne s’en émeut pas pour autant et n’entendra les CRS, porteurs de ces armes, que deux mois plus tard, en tant que simples témoins.   

« Ces lanceurs Cougar sont ce que l’on peut communément appeler “l’arme du crime”, s’étonne MBrice Grazzini, avocat du fils de la victime Sami Redouane. Une saisie plus rapide aurait permis certainement d’identifier le tireur de la bombe lacrymogène. Pourquoi ne pas avoir saisi également les enregistrements radio de la CRS 50 du 1er décembre, pourtant un grand potentiel d’information ? » 

« Les exemples sont hélas nombreux, poursuit-il. L’IGPN tarde parfois à réquisitionner les vidéosurveillances qui, au bout de 28 jours, selon le délai légal, sont écrasées. Dans le cas de Maria, des éléments ont étonnamment disparu et cela sans que les enquêteurs n’en fassent part dans la conclusion de leur rapport. » 

Maria ? Le 8 décembre dernier, à Marseille, un samedi de mobilisation des gilets jaunes, alors qu’elle rentrait chez elle après une journée de travail, cette jeune femme a eu le crâne fracassé et le cerveau gravement atteint suite à des coups policiers.

En jeans, rangers, visages dissimulés, sans brassards ni matricules, là encore, rien ne permettait d’identifier les auteurs de ces violences. Parmi les éléments de preuves qui auraient pu permettre cette identification : un rapport informatique des services de police faisant état de l’ensemble des mouvements et des interventions des forces de l’ordre la journée du 8 décembre. Or, au cours de l’enquête, l’IGPN découvre que ce document a été tronqué entre 14 h 37 et 23 h 21. 

Lors de son audition, la fonctionnaire chargée de ce logiciel policier nommé Pegase est catégorique : « C’est particulièrement étonnant. C’est la première fois que je vois une fiche avec un tel défaut. » En poste depuis deux ans, cette fonctionnaire atteste qu’il ne peut en aucun cas s’agir d’un bug informatique. Seulement d’une intervention humaine.

La conclusion de l’IGPN est pourtant radicalement différente : le « rapport de synthèse Pegase […] apparaissait comme tronqué en raison d’un dysfonctionnement informatique, incident s’étant produit ponctuellement par le passé ».

« Fondamentalement avec l’IGPN, on est dans une situation où des policiers enquêtent sur des policiers et donc ce type de situation mène obligatoirement à des dérives, regrette Brice Grazzini. Les dérives que j’ai observées dans les enquêtes dont j’ai connaissance sont une accointance dans la façon de poser des questions, le refus de mettre en garde à vue des policiers suspectés (alors même que cela se fait extrêmement facilement lorsqu’il s’agit d’un citoyen lambda) et une forte tendance à protéger les auteurs derrière la théorie de la violence légitime. » 

  • Un recours disproportionné à la force souvent légitimé 

« Si le policier auteur du tir ou des violences est identifié, la victime va être criminalisée, ou le contexte sera présenté comme dangereux pour les forces de l’ordre », déplore l’avocate Aïnoha Pascual, rappelant le cas de Maxime, blessé le 24 novembre 2018 par une grenade explosive GLI-F4. 

Alors qu’il rentre avec son épouse d’un déjeuner familial, Maxime rejoint, par curiosité, la mobilisation des gilets jaunes. À proximité des Champs-Élysées, dans une petite rue, alors qu’aucun heurt ne se produit, un CRS lance une grenade. Pour voir ce qui venait de rouler à ses pieds, Maxime se penche vers le projectile qui lui brûle la main et dont la détonation lui laisse de lourdes séquelles auditives. 

Auditionné par l’IGPN, le responsable de la compagnie de CRS se contente de réciter le règlement : « Le tir de la grenade a été fait en réponse à des voies de fait, des violences ou pour défendre un terrain. »

« Le commandant des CRS se réfugie derrière cet article du code de la sécurité intérieure (L211-9), un article fourre-tout qui légitime l’usage de la force. Et l’IGPN n’a eu de cesse de chercher des éléments, en vain, pour suspecter Maxime de violences, d’avoir lancé des projectiles ou de dépeindre un contexte qui justifiait ce tir », constate MAïnoha Pascual.  

Plus grave. L’IGPN n’auditionnera pas le policier qui a actionné la grenade. « C’est lunaire, poursuit l’avocate. Dans la majorité des plaintes pour violences policières, l’IGPN ne va pas au bout des enquêtes, ne procède pas à toutes les auditions. Et lorsqu’il y a des confrontations, ce qui est rare, lorsque nous arrivons avec les plaignants dans le bureau des enquêteurs de l’IGPN, les policiers poursuivis sont déjà présents. Cette porosité ne nous laisse pas beaucoup d’espoir sur l’impartialité des enquêtes. »

Les cas de légitimation de l’usage de la force sont nombreux. Les forces de l’ordre se réfugient alors derrière les articles R211-13 et L211-9 du code de la sécurité intérieure. Les policiers peuvent, pour disperser un attroupement, faire usage de la force après deux sommations. Les tirs n’ont pas à être précédés de sommations dans deux cas : « si des violences sont exercées contre [eux] » ou s’ils ne peuvent « défendre autrement le terrain ». Nulle précision n’est apportée sur ces situations exceptionnelles qui sont brandies de plus en plus systématiquement lorsque des violences policières sont commises. 

« Dans ces enquêtes, tout est ainsi justifié par les circonstances, dénonce l’avocat Arié Alimi. Ce qui fait qu’on peut se passer du droit. L’IGPN se passe de la reconstitution des faits, de confrontations… » L’une des stratégies mise en place par l’avocat de la famille de Cédric Chouviat est de lancer très rapidement un appel à témoin. C’est ce qu’il a fait dans les premières heures suivant l’hospitalisation de Cédric Chouviat. 

« C’est déterminant de le faire pour éviter la perdition, voire la dissimulation de preuves, précise-t-il. Récolter ainsi des témoignages est une pratique inspirée du mouvement américain d’initiative citoyenne Black Lives Matter, né pour dénoncer l’impunité policière à l’égard des Noirs américains », explique Arié Alimi. 

Autre technique pour se prémunir de la partialité des enquêtes de l’IGPN ou de l’IGGN : « refuser tout simplement les auditions ». « Les enquêteurs viennent dès les premiers moments, à l’hôpital, avec pour objectif de couvrir très vite, sans poser les bonnes questions, dans de mauvaises conditions pour la victime, qui est souvent sans avocat », précise Arié Alimi. Ce refus permet de contraindre le parquet à saisir un juge d’instruction. « Et c’est aussi un moyen de dénoncer le fonctionnement de l’IGPN, largement remise en cause dans l’opinion publique

 

L’avocat ne décolère pas sur l’IGPN, rappelant ses conclusions dans l’affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie. En décembre 2018, des policiers avaient fait mettre à genoux des adolescents, mains derrière la nuque ou menottés dans le dos. La directrice de la police des polices, Brigitte Jullien, avait

annoncé en mai 2019 qu’« aucun comportement déviant » parmi les policiers n’avait été constaté par ses enquêteurs. Ces conclusions ont été suivies par la procureure de la République de Nanterre, Catherine Denis, le 24 juillet 2019. 

 

« Dans cette affaire, l’IGPN n’a tout simplement pas fait d’enquête. Seuls trois adolescents sur une vingtaine de plaignants ont été auditionnés, révèle Arié Alimi. Toutes ces enquêtes menées pour dédouaner les policiers montrent qu’il est indispensable de réformer l’IGPN pour faire évoluer l’impunité en matière de violence policière. » 

En attendant cette réforme, que le ministre de l’intérieur Christophe Castaner n’estime pas nécessaire, de nombreux avocats choisissent d’engager la responsabilité de l’État en saisissant les juridictions administratives. « Cela permet aussi de remettre en question la doctrine du maintien de l’ordre et les techniques d’interpellation, explique l’avocate Claire Dujardin, et d’épargner les victimes de trop longues procédures, avec de rares peines prononcées à l’encontre des forces de l’ordre. »

 

source: Mediapart

https://www.mediapart.fr/journal/france/120620/igpn-plongee-dans-la-fabrique-de-l-impunite?page_article=1

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" Vétérante "

O.P.A