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22 septembre 2020 2 22 /09 /septembre /2020 06:53

La charge de police à l’origine des blessures de Geneviève Legay, le 23 mars 2019 à Nice, était disproportionnée, selon l’IGPN qui pointe la responsabilité du commissaire Rabah Souchi, à la tête des opérations. Un an et demi après les faits, le président Emmanuel Macron est donc démenti. Médaillé, en juin 2019, par le ministère de l’intérieur, Rabah Souchi est cependant toujours en poste.

 

 

Cette fois, l’Inspection générale de la police (IGPN) n’a pas pu faire autrement que de déclarer la charge des policiers disproportionnée. Et sa conclusion est éminemment symbolique dans une affaire qui a fait grand bruit, tant elle a été marquée par des mensonges, des dissimulations et des conflits d’intérêts. Selon les éléments réunis par Mediapart, l’IGPN reconnaît enfin ce que nombre de témoins se tuent à répéter depuis le début de l’affaire : Geneviève Legay, 73 ans, gravement blessée le 23 mars 2019, à Nice au cours d’une manifestation des « gilets jaunes » a bien été renversée par les forces de l’ordre au cours d’une charge que les gendarmes interrogés ont jugé brutale, violente et illégale.

Victime d’une hémorragie et de plusieurs fractures au crâne, l’état de santé de Geneviève Legay avait nécessité plus d’un mois de surveillance médicale.

Dans ses conclusions rendues en avril, l’IGPN met en cause le commissaire divisionnaire Rabah Souchi, à la tête des opérations et donne raison au capitaine de gendarmerie qui, le jour des faits, a refusé de participer à cette charge et d’engager son escadron composé de près de 60 hommes, comme nous l’avions révélé (à lire ici). 

Une vidéo, tournée par la cellule image ordre public (CIOP) des gendarmes et jamais diffusée jusqu’à présent, montre la réalité de cette charge.

 

 

La gravité des faits a conduit ce capitaine à adresser à sa hiérarchie, le 25 mars 2019, deux jours après les faits, un rapport détaillé, que Mediapart révèle et publie dans son intégralité. Loin de s’inscrire dans le cadre d’une guerre police-gendarmerie, ce compte rendu, largement repris par l’IGPN dans ses conclusions, annihile ainsi le déni des autorités sur les violences policières. Dès le 23 mars, la haute hiérarchie de la gendarmerie avait d’ailleurs été alertée sur ces faits. Est-il possible que dans une affaire aussi médiatisée, des informations aussi sensibles ne soient pas remontées jusqu’à l’Élysée ?

Le 25 mars, Emmanuel Macron déclare pourtant dans les colonnes de Nice Matin : « Cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre. » Et croit bon de préciser : « Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci. »

Le rapport de gendarmerie que nous publions aujourd’hui discrédite définitivement cette version.

 

Rapport du Capitaine H. sur les opérations de maintien de l'ordre à Nice, 25 mars 2019. © Document Mediapart

 

Son auteur, le capitaine H. y qualifie la charge de « brutale et violente », en « totale disproportion et nécessité face à une foule d’une trentaine de personnes assez âgées, très calmes »

Il alerte ses supérieurs sur le comportement du commissaire Rabah Souchi, « presque dangereux », qui « hurle » et ordonne de « triquer du manifestant », c’est-à-dire, de les battre à coups de bâton. Une situation inquiétante qui n’est pas sans rappeler les images montrant la militante pacifiste, allongée à même le sol, la tête ensanglantée, son drapeau arc-en-ciel à ses côtés et enjambée par des policiers casqués.

 

La militante Geneviève Legay, à terre après avoir été bousculée par un policier, le 23 mars 2019, à Nice. © Valery HACHE/AFPLa militante Geneviève Legay, à terre après avoir été bousculée par un policier, le 23 mars 2019, à Nice. © Valery HACHE/AFP

 

Selon l’IGPN, « les ordres donnés par le commissaire divisionnaire Souchi, ne se caractérisent pas un manque de clarté et un aspect directif ». Ils sont « inadaptés » en particulier « lors de la charge effectuée […] au cours de laquelle Madame Legay a été poussée ».  

La stratégie proposée par les gendarmes, une vague de refoulement, au cours de laquelle les boucliers sont baissés et la force n’est pas employée, « aurait été une manœuvre d’une intensité proportionnelle à la situation ». Le vocabulaire alambiqué de l’IGPN est à la hauteur de son embarras. Pour autant, la police des polices ne peut ni soustraire le rapport de gendarmerie ni enterrer l’audition de son auteur, entendu dans le cadre de l’enquête judiciaire qui confirme le « non-respect de proportionnalité faisant suite à des sommations pas très claires ». En d’autres termes, l’illégalité de la charge. 

L’IGPN rappelle, néanmoins, le contexte au moment des faits. Outre la venue le lendemain du président Emmanuel Macron et de son homologue chinois dans le département, le premier ministre souhaitait, en réponse à la mobilisation des gilets jaunes, « que soit mise en œuvre une stratégie renforcée par le recours de nouveaux outils », « l’utilisation de drones », « le recours aux hélicoptères dotés de caméras de haute précision », ou encore « la répression de la participation à une manifestation interdite », instituant, dispositif inédit, une contravention de 135 euros. 

Les préfets établissent donc un arrêté portant sur l’interdiction de manifester sur un certain périmètre.

Pour autant, comme le relate auprès de l’IGPN le capitaine de gendarmerie, le jour de la mobilisation, à 7 h 45, « lors de la réunion de tous les responsables de police sur place et des chefs des commandants d’escadrons, un des commissaires présents a dit que les manifestations de gilets jaunes étaient calmes à Nice, sans casseur répertorié ».

« Il n’y a pas eu de consignes particulières pour cette manifestation », explique-t-il tout en précisant que « la volonté [du commissaire Rabah Souchi] à mon avis était d’interpeller le maximum de personnes ».

D’ailleurs, avant le début de la manifestation, alors que les escadrons de gendarmerie prennent position dans la ville, le commissaire Souchi annonce le ton de la journée. À l’une des lieutenantes, il « hurle que les gendarmes étaient là uniquement pour “triquer” du manifestant et sortir des véhicules uniquement pour “triquer” ». « Fortement choquée », elle a tenu à retranscrire ces propos auprès de sa hiérarchie. 

À 10 h 30, le capitaine H. arrive sur la place Garibaldi, l’un des principaux points de rassemblements de la ville, interdit ce jour-là, et où près de 200 manifestants « présentant une physionomie tranquille et pacifique » commencent à se retrouver.

« Une fois sur les lieux, j’ai constaté que deux pelotons sécurisent une nasse avec à l’intérieur quelques gilets jaunes très calmes. » Le capitaine est chargé de former une seconde nasse, en d’autres termes d’encercler un autre groupe de manifestants présents et à les confiner, afin de procéder à des interpellations. 

Auditionné par l’IGPN, le commissaire Souchi reconnaît lui-même que « les personnes qui se rassemblaient le faisaient dans le calme mais dans un périmètre interdit ». À ce moment-là, aucun ordre de disperser ne lui a été donné depuis la salle de commandement où était présent, notamment, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), Jean-François Illy. 

Il envisage alors, selon l’IGPN, de mettre en place un contrôle en vue de faire évacuer et verbaliser les personnes présentes. Une pratique toute singulière, puisque « l’infraction de participation à une manifestation interdite […] n’existait pas deux jours avant », concède-t-il lui-même. 

À 11 h 10, changement d’ambiance, selon le commissaire Souchi qui fait état « d’outrages » et qui reçoit l’ordre de dispersion du DDSP. « L’évolution de la situation qui a conduit à cette décision est que nous avons senti que la tension montait, et que les manifestants refusaient toute discussion. La décision du préfet répercutée par le DDSP vient du fait de l’existence de troubles à l’ordre public réels sur la place Garibaldi. » 

Le capitaine H « précise surtout que la foule était calme auparavant et que suite à l’interpellation musclée d’un individu assez âgé qui est tombé au sol à plat ventre […] cela a fait réagir les manifestants ». Dans le compte-rendu adressé à sa hiérarchie, il précise que cette interpellation se fait « sans raison valable ».

Le commissaire Souchi ne s’embarrasse pas de cette chronologie : « Le groupe de manifestants formé dans la nasse que j’encadrais a effectivement invectivé les forces de l’ordre par des propos comme “police assassins” avec beaucoup de sifflets et rien de plus », rapporte le capitaine de gendarmerie.

Geneviève Legay est alors décrite comme « très excitée […] Elle tenait un drapeau arc-en-ciel […]. Je l’avais remarqué dans la nasse par son énervement. Elle invectivait un de mes gendarmes en disant qu’elle voulait sortir pour aller voir l’homme interpellé qui avait chuté. » 

 

À 11 h 13, l’ordre de disperser est donné. Selon les gendarmes, « la physionomie était toujours calme ».

« Il m’a semblé que [les manifestants] étaient plus là pour faire valoir leur droit à manifester quitte à faire un peu de résistance passive mais l’attroupement à ce moment-là ne m’a pas semblé virulent », indique l’un d’entre eux auprès de l’IGPN.

Un policier rapporte également qu’ils « n’étaient pas agressifs physiquement. Ils n’ont pas lancé de projectiles ».

 

Principe de gradation dans l'emploi de la force, direction générale de la gendarmerie nationale.Principe de gradation dans l'emploi de la force, direction générale de la gendarmerie nationale.

 

À 11 h 27, la foule est toujours paisible. Les premières sommations sont faites. Le commissaire Souchi « est arrivé sur moi, en hurlant et m’a ordonné de charger une foule calme dans la direction [d’une] zone également interdite à la manifestation ». 

« Je me rends compte que nous refoulons les gens dans la mauvaise direction », raconte le capitaine H., une erreur du commissaire qui « ne se maîtrise plus ». Dans cette foule, Geneviève Legay agite son drapeau arc-en-ciel. « Elle déambulait normalement, dans la rue au milieu de ce groupe de manifestants », précise-t-il.  

« Au regard de la foule qui est calme, T1 110 [le commissaire] continue de dire dans son mégaphone de charger et de gazer, son ordre me paraît disproportionné au regard du comportement de la foule. […] J’ai donc refusé de faire une charge. » Le capitaine ordonne alors à ses hommes de ne pas y participer. 

Face à l’IGPN, il rappelle les fondamentaux de l’usage de la force : « Une charge implique l’usage des armes et donc des sommations à trois reprises sur l’usage de la force, ainsi qu’une situation le justifiant. Je précise que le fait de faire des sommations n’exonère pas du principe de nécessité et de proportionnalité. » 

La police des polices demande au gendarme « en tant qu’observateur de la scène » de décrire la charge, réalisée finalement par les policiers de la Compagnie départementale d’intervention (CDI). 

« Les policiers ont chargé immédiatement en courant […] Cela a duré quinze à vingt secondes tout au plus. Ils couraient à des vitesses différentes en venant au contact ou en percutant les personnes présentes. » Interrogé sur Geneviève Legay, le chef d’escadron ne peut « pas dire si elle a reçu un coup de matraque. Je pense qu’elle n’a pas eu le temps de réagir face à la rapidité de la charge »

« Une vague de refoulement », c’est-à-dire, « en marchant, sans emploi de la force » aurait donc été plus adaptée, selon lui. Témoins de cette charge, « nous sommes tous abasourdis », lâche le capitaine H. Les gendarmes ont d’ailleurs pris soin de filmer le déroulement de l’ensemble des opérations, en particulier, la charge des policiers blessant Geneviève Legay. 

Interrogé sur le choix de sa stratégie, le commissaire Rabah Souchi « tien[t] à dire qu’en la matière, il y a une obligation de résultat ». « La situation se tendait », il faisait face à des manifestants qui « chant[aient] La Marseillaise et refus[aient] de quitter les lieux », attitude qui justifie selon lui le recours à la force.

Catégorique, il affirme que cette manœuvre était, en toute logique, conforme à la situation, en rajoutant que, lorsqu’il a donné l’ordre de charger, il n’a pu « utiliser une fusée rouge, car nous étions en dessous des couloirs aériens ». 

Ne se souvenant plus si des Tonfas ou des matraques avaient été utilisés, cette charge, dit-il, était « effectuée au pas de marche », malgré les vidéos qui contredisent formellement sa version. 

Interrogé de nouveau par l’IGPN sur la nécessité d’une telle opération, il estime « qu’il appartient à celui qui s’expose de prendre en considération ces risques. On ne peut pas reprocher à un gardien d’un zoo qu’une personne se fasse mordre une main en passant celle-ci dans les barreaux d’une cage d’un animal dangereux » avant de conclure que selon lui, « l’avancée pédestre sans arme, c’est le niveau 0 d’une charge ». La proportionnalité de l’usage de la force semble être une considération fort éloignée des principes du commissaire. 

Ainsi que le relate un autre capitaine auprès de l’IGPN, « il m’a dit de façon assez virulente : “Quand j’ai décidé de l’emploi de la force et que j’ai fait les sommations, quand je vous dis on disperse, c’est on disperse, tant pis pour les manifestants, on matraque, c’est le cadre légal. Ne faites pas comme votre homologue qui a refusé d’appliquer mes directives. Il s’en expliquera avec le préfet”. » 

Malgré ces menaces, le gendarme explique avoir indiqué à M. Souchi « qu’il était hors de question de matraquer des gens qui n’étaient pas virulents et je lui rappelle que la réalisation des sommations ne nous exonère pas des principes de nécessité et de proportionnalité ».

« À aucun moment jusqu’à l’arrivée des secours, TI 110 [le commissaire Rabah Souchi – ndlr] ne s’est porté au niveau de la blessée pour prendre de ses nouvelles », écrit dans son rapport le capitaine de gendarmerie qui, après un énième comportement brutal du commissaire, « n’a qu’une hâte, c’est que tout cela s’arrête, car je commence franchement à réfléchir à me désengager […] après 3 heures 30 de galère. » 

Quelques mois plus tard, le 16 juin 2019, ainsi que le révélait Mediapart, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner récompensait le commissaire Rabah Souchi et sa compagne Hélène Pedoya. Cette promotion exceptionnelle de médaillés était officiellement nommée « gilets jaunes ».

 

Hélène Pedoya reste d’ailleurs la grande absente de l’enquête de l’IGPN qui, étrangement, a choisi de ne pas l’auditionner. Pourtant, cette commissaire divisionnaire en charge de l’enquête préliminaire sur l’origine des blessures de Geneviève Legay a également participé au maintien de l’ordre le jour des faits.

Lors de son audition, son compagnon, Rabah Souchi, le précise d’ailleurs sans que cela ne lui pose le moindre problème. Ainsi qu’il l’affirme, le jour des faits, aux alentours de 10 h 40, sur la place Garibaldi, il a fait venir « le commissaire Pedoya pour procéder à une seconde bulle », un encerclement bloquant une partie des manifestants. Moins d’une heure après, sur cette même place, la charge qu’il a ordonnée, blesse Geneviève Legay. Activement présente, la commissaire divisionnaire Hélène Pedoya ne s’est pourtant pas déportée de l’enquête qui lui a été confiée, le jour même, par le procureur de la République. 

Elle a même, en orientant les premières investigations vers les journalistes présents à la manifestation, corroboré la version mensongère de son compagnon, Rabah Souchi. Ce dernier, dans son compte rendu des opérations du 23 mars à 22 h 48, attestait : « une chute en lien avec la présence d’un photographe s’accroupissant pour prendre un cliché des manifestants […] la manifestante [Geneviève Legay] trébuchait à ce moment-là. » 

 

Les deux commissaires divisionnaires, le 23 mars 2019, place Garibaldi, à Nice. © Document MediapartLes deux commissaires divisionnaires, le 23 mars 2019, place Garibaldi, à Nice. © Document Mediapart

 

Ce conflit d’intérêts majeur qui a valu la mutation du procureur de la République de Nice (à lire ici) n’interpelle absolument pas l’IGPN. 

« Nous attendons depuis maintenant trop longtemps que la juge d’instruction en charge de l’affaire tire les conclusions de son enquête, explique l’avocat de Geneviève Legay, Arié Alimi, auprès de Mediapart. À ce jour, elle a refusé au défenseur des droits l’accès au dossier. »

Concernant les commissaires divisionnaires Rabah Souchi et Hélène Pedoya, l’avocat déplore qu’ils ne soient « inquiétés ni par l’intérieur ni par la justice. Cela s’apparente désormais à de la protection forcenée ». 

Que ce soit le ministère de l’intérieur qui s’était engagé à retirer les décorations en cas de manquement grave, la Direction générale de la police nationale (DGPN) au sujet d’éventuelles mesures disciplinaires, ou encore la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) qui n’a pas spontanément communiqué les éléments en sa possession à la justice : tous ont refusé de répondre aux questions de Mediapart.

  • Les neuf dates-clés de l’affaire Geneviève Legay

 

© Mediapart
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21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 05:59

Des policiers racistes se sont livrés à des actes de maltraitance pendant plus de deux ans dans les geôles du tribunal de grande instance de Paris, ainsi que l’a révélé StreetPress, sans que leurs supérieurs, pourtant alertés, n’y mettent fin. Mediapart a pu avoir accès à l’enquête administrative rendue en janvier, dans laquelle l’IGPN s’efforce de minimiser les faits, pourtant accablants, et épargne la hiérarchie policière.

 

 

insi qu’il l’expliquait à StreetPress (à lire ici et ), devant l’inertie de sa hiérarchie à sanctionner ces violations, le brigadier-chef Amar Benmohamed, responsable de l’unité de transfèrement nuit (UTN), a décidé de dénoncer, publiquement, les comportements racistes, les actes de maltraitance et les vols de certains policiers, au sein du tribunal de Paris. Durant plus de deux ans, ces faits se sont déroulés au dépôt du tribunal de Paris, où plus d’une centaine de cellules accueillent des personnes en attente de comparution ou d’autres déjà incarcérées.

 

Tribunal de grande instance de Paris. © AFP

Le 28 juillet, à la suite de ces révélations, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique », « injures publiques en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion » et « injures publiques en raison du sexe et de l’orientation sexuelle ».

En juillet, lors des révélations du brigadier-chef, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, lui a reproché, non sans un certain cynisme, de n’avoir pas réagi plus tôt. Interrogé, le 30 juillet, à l’Assemblée nationale par un député LREM, le ministre lançait : « Le brigadier Benmohamed a dénoncé […], avec retard, c’est d’ailleurs ce qui lui est reproché […], ses camarades qui auraient, je mets du conditionnel mais les faits reprochés sont graves, énoncé des insultes à caractère sexiste, homophobe et raciste. » 

En réalité, Amar Benmohamed a alerté sa hiérarchie dès mai 2017. À plusieurs reprises, il avise des majors. Las, il alerte le lieutenant en octobre 2018. Cet officier de police judiciaire ne fait aucun signalement des délits que lui rapporte le brigadier-chef. En mars 2019, Amar Benmohamed rédige un rapport. Ce qui ne sera pas sans conséquence pour lui. 

À la suite de ses écrits, la préfecture de police saisit l’IGPN pour mener une enquête administrative, à l’issue de laquelle, en janvier 2020, des sanctions disciplinaires, toujours à l’étude, sont proposées à l’encontre de ce lanceur d’alerte. Pourquoi préconiser des sanctions à l’encontre de celui qui dénonce de graves manquements aux règles de déontologie, des propos racistes, voire des actes de violences ? 

Les auteurs des délits n’ont, quant à eux, toujours pas été sanctionnés, à ce jour. L’IGPN se contentant de préconiser quelques avertissements et un conseil de discipline. L’enquête de l’IGPN que nous révélons montre pourtant bien que de nombreux policiers ont confirmé les faits dénoncés par Amar Benmohamed, même si leur hiérarchie cherche à en minimiser la portée.

En effet, les recommandations émises par la police des polices attestent, une fois encore, de sa bienveillance à l’égard des siens, afin de mieux les protéger. Pour des raisons fallacieuses, l’IGPN préfère proposer des sanctions administratives à l’encontre de ceux qui dénoncent les dérives policières, comme Amar Benmohamed, dissuadant de la sorte tous ceux qui voudraient prendre le même chemin. 

Pour autant, dans ce rapport, les pratiques souvent grossières de l’IGPN ne parviennent pas à faire oublier la gravité des faits, qui ressort des différents témoignages de policiers auditionnés.  

Plusieurs fonctionnaires, sept environ, de l’une des brigades de nuit participeraient à ces délits, mais l’enquête se concentre essentiellement sur quatre agents qui semblent agir en toute impunité à l’intérieur du dépôt. Lors de son audition par l’IGPN, un major présente l’une d’elles comme « un boute-en-train »« au langage “fleuri” ». Étrange conception de la déontologie lorsque, quelques lignes plus loin, on apprend qu’elle insulte les déférés de « bougnoule »« négro », « clochard » ou « pouilleux », tandis qu’un autre policier l’entend dire : « C’est la merde, votre ramadan, tu mangeras pas. »

« Bâtard », c’est ainsi qu’elle s’adresse régulièrement aux déférés. Auditionnée par l’IGPN, cette policière reconnaît les traiter ainsi, voire même d’« enculés », mais, selon elle, « seulement entre collègues », pensant ainsi minimiser les faits. Qu’elles soient proférées à l’encontre de personnes ou employées entre policiers, ces injures racistes et homophobes sont passibles de poursuites pénales et administratives. 

Difficile de minimiser ou de masquer les faits. Au cours des différentes auditions de policiers travaillant au dépôt, les témoignages accablent ces policières. L’un des agents explique avoir dû intervenir à « deux reprises lors d’incidents », notamment lorsque l’une d’entre elles « avait traité avec virulence un déféré de “bâtard” et “d’enculé” ». Mise à l’écart, elle « était revenue, recommençant à insulter le déféré : “Vas-y, regarde-moi, espèce d’enculé !” »

Une autre fois, elle interpelle un prévenu : « Oui, c’est à toi que je parle, le bougnoule, c’est bien toi le seul Arabe ici. » Ou encore : « Moi, je ne te fouille pas, je ne suis pas là pour attraper des maladies. »

Insultes racistes, homophobes, agressivité voire menaces. L’un des policiers rapporte auprès de l’IGPN « des propos empreints de violence et de menaces, tels que : “C’est comme ça, ferme ta gueule”, “Si tu es là, c’est que tu l’as mérité”, “Si c’est comme cela, tu peux crever ou tu peux mourir, tu n’auras pas à manger” ». 

Certains déférés sont ainsi privés de repas, voire de la visite d’un médecin. Parfois, il s’agit de mesures purement discriminatoires de la part de certains policiers qui, selon certains échanges rapportés auprès de l’IGPN, « ne souhaitaient pas que leurs impôts servent à payer le déplacement du médecin ».

D’autres fois par « pure feignantise »« Les effectifs n’aimaient pas effectuer cette mission qui les contraignait à rester en statique près du local médical », précise l’un des policiers auprès de l’IGPN. Pour éviter de le faire, les agents demandent donc aux personnes détenues en cellule : « “Est-ce que tu es malade ?” au lieu de : “Voulez-vous voir un médecin ?” »

Selon l’IGPN, du brigadier au lieutenant en passant par les majors, la hiérarchie, qui n’ignorait pas cette situation, « s’est trouvée en difficulté face au comportement de certains effectifs qui avaient résisté à toute forme d’intervention hiérarchique ».

Les interventions des chefs se résument à de simples recadrages, une demande de blâme (la plus minime des sanctions avec l’avertissement) ou à des rappels de consignes par mails ou lors de réunions et cela essentiellement à partir de janvier 2019. 

 

Aucun conseil de discipline n’est exigé par la hiérarchie. Cette absence de réaction témoigne d’un laisser-faire, voire de l’adhésion à une situation pourtant illégale, par les responsables de cette brigade. Mais, selon l’IGPN, reprenant l’argumentation de ces haut-gradés, il y a des explications qui permettent de justifier qu’une telle situation puisse perdurer plus de deux ans. Les effectifs auraient mal interprété les règles. 

« La faculté d’appréciation laissée aux effectifs par – les consignes générales – avait pu avoir des conséquences inacceptables telles que, par exemple, la privation d’alimentation ou de visite médicale. » En d’autres termes, les policiers n’auraient pas perçu que les personnes détenues doivent s’alimenter ou puissent avoir accès à un médecin. 

C’est ainsi que l’IGPN rapporte tout naturellement que « de manière générale les membres de la hiérarchie intermédiaire reconnaissaient avoir constaté des problèmes qu’ils reliaient le plus souvent non pas à une volonté de priver les déférés de leurs droits mais plutôt à des circonstances particulières, à des comportements individuels inadaptés ou encore à une mauvaise application des règles pourtant régulièrement rappelées ».

Il arrive aussi que des policiers tiennent des propos racistes. Là encore, selon l’IGPN, les circonstances permettraient de l’expliquer. « La hiérarchie intermédiaire entendue à ce sujet reconnaissait être au courant d’un certain nombre de ces faits, même si elle les contextualisait, expliquant que les propos étaient tenus hors de la présence des déférés et dans des cas où les déférés avaient été agressifs. »

Il en va de même pour des pratiques punitives à l’égard des déférés qui sont, là encore, admises. Exemple avec ce major qui, auprès de l’IGPN, « fait état d’une pratique qui consistait, pour certains fonctionnaires, à reporter le repas d’un déféré avec lequel la situation avait été conflictuelle (“tu mangeras plus tard”) ». 

 

Le brigadier-chef Amar Benmohamed, juillet 2020. © AFP
Au fil des auditions, on constate l’acceptation de pratiques discriminatoires, voire de maltraitances à l’égard de personnes que les policiers trouvent finalement naturel de priver de certains droits fondamentaux, en raison de leur origine et de leur statut de déféré. 

 

Ainsi, concernant le comportement agressif de l’une des policières, et non sans une étonnante contradiction, l’IGPN estime que « la hiérarchie du gardien n’était pas restée inactive, mais s’en était tenue aux entretiens informels, sans lui demander la rédaction de rapports et sans initier d’enquête administrative ».

Un major explique avoir entendu « sa subordonnée crier dans le bureau des gradés, vociférer et tutoyer les personnes ». Là encore, il n’a pas jugé nécessaire de demander de sanction. 

Autre illustration d’assentiment à ces dérives, un major rapporte auprès de l’IGPN qu’« il ne lui avait pas été possible de réagir systématiquement aux comportements inappropriés [de ce] gardien de la paix car il lui aurait fallu la recevoir “tous les jours” et aller quotidiennement à l’affrontement ».  

« Sur le plan administratif, l’enquête a mis en lumière des manquements professionnels et des comportements contraires à la déontologie policière », conclut l’IGPN, en se gardant bien d’employer les termes de racisme, d’homophobie ou de maltraitance. 

À l’encontre des quatre gardiens de la paix, elle préconise un avertissement, des alternatives aux poursuites administratives, un blâme et un conseil de discipline. Quant au lanceur d’alerte, elle suggère qu’il écope d’un avertissement (sanction la plus basse et non inscrite dans le dossier du fonctionnaire). La hiérarchie, elle, n’est pas visée par des sanctions.

 

Ce rapport a été remis à la préfecture en janvier 2020. Contactée par Mediapart, la préfecture de police refuse de préciser si des sanctions ou suspensions ont été prises à l’égard des agents, se retranchant derrière le secret de l’enquête préliminaire ouverte par le parquet en juillet. Alors que le dépôt se situe au sein même du tribunal de Paris, la préfecture n’a pas estimé nécessaire de transmettre, lors de la clôture de l’enquête, le rapport de l’IGPN au parquet. 

Contacté par Mediapart, le parquet précise avoir ouvert une enquête préliminaire à la suite des révélations dans la presse du brigadier-chef Amar Benmohamed. Elle devrait chapeauter d’autres enquêtes qui avaient été précédemment ouvertes, à la suite de signalements sur des faits similaires, explique le parquet sans apporter plus d’information sur la nature de ces faits ou sur les auteurs de ces signalements. Il s’agit désormais de vérifier l’ampleur des dérives dénoncées par le brigadier-chef. Depuis le 8 août, et après un arrêt maladie, Amar Benmohamed a repris le travail. 

 

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 10:06

Le 18 juin 2020

Jugeant certaines dispositions attentatoires à la liberté d'expression, le Conseil constitutionnel a censuré jeudi le coeur de la loi Avia contre la haine en ligne, une "grande victoire" pour les associations du net et une "lourde défaite" de la majorité, selon les oppositions.

Dans le droit fil de l'engagement d'Emmanuel Macron depuis 2018 à renforcer la lutte contre la haine raciste et antisémite qui prospère sur internet, le texte porté par la députée LREM Lætitia Avia prévoyait pour les plateformes et moteurs de recherche l'obligation de retirer sous 24 heures les contenus "manifestement" illicites, sous peine d'être condamnés à des amendes allant jusqu'à 1,25 million d'euros.

Le Conseil a considéré que cette mesure pouvait "inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu'ils soient ou non manifestement illicites".

Il a ainsi considéré que "le législateur a porté à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi".

Le Conseil constitutionnel a également censuré la disposition prévoyant un retrait en une heure pour les contenus terroristes ou pédopornographiques en cas de notification par les autorités publiques.

Ces deux censures entraînent mécaniquement celle d'autres articles du texte, par effet domino.

Le ministère de la Justice a indiqué dans la soirée que le gouvernement prenait "acte de la décision" et "étudiera la possibilité de retravailler ce dispositif".

"Je sais que c'est un combat de longue haleine et qui demande une prise de conscience. C'est devenu un débat de société, le sujet n'est plus minoré, ce qui est positif", a réagi Mme Avia auprès de l'AFP.

Philippe Latombe (MoDem), unique député de la majorité à avoir voté contre le texte, a lui regretté "l'énergie et le temps dépensés à un dispositif législatif mort-né" après avoir cherché en vain à attirer l'attention "sur les faiblesses du dispositif proposé, sur ses effets pervers et contre-productifs, sur son inconstitutionnalité".

"La loi est décapitée sur la place publique", s'est félicité auprès de l'AFP Bruno Retailleau, le chef de file des sénateurs LR.

Ceux-ci avaient déposé un recours au nom de la défense de la "liberté d'expression".

"On ne doit pas confier aux Gafa le pouvoir exorbitant de privatiser la censure et d'entraver la liberté d'expression", a-t-il réaffirmé.

La décision des Sages est "une victoire pour les amoureux de la liberté" et "un désaveu pour tous ceux qui font profession de bien-pensance", a-t-il ajouté.

Le gouvernement "désavoué"

Outre LR, extrême gauche et extrême droite s'étaient prononcés contre ce texte au Parlement.

"Le gouvernement se heurte à l'État de droit", a réagi la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, pour qui la loi Avia "portait une atteinte sans précédent à la liberté d'expression".

"Lourde défaite pour (la ministre de la Justice Nicole) Belloubet. La volonté liberticide en échec", a tweeté le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.

Selon une marcheuse, "le gouvernement n'a jamais été à l'aise avec ce texte", qui avait suscité de nombreuses réserves au-delà du monde politique, notamment du Conseil national du numérique, de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, ou encore de la Quadrature du Net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique.

Cette dernière a salué jeudi "une grande victoire collective à l'issue de plus d'un an de lutte".

"Le Conseil constitutionnel a désavoué le gouvernement dans l'ensemble de sa stratégie numérique, qui est complétement dépassée. Ce n'est pas comme ça qu'on régule internet", a déclaré à l'AFP Arthur Messaud, juriste à la Quadrature du Net.

"Le droit a eu le dernier mot !", s'est félicité Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, tandis que l'Association des services internet communautaires (Asic), qui compte Google et Facebook parmi ses membres, poussait "un grand soupir de soulagement".

En revanche, le grand rabbin de France Haïm Korsia a regretté une décision "qui illustre manifestement les errements de notre société pour combattre efficacement et avec une détermination absolue ce fléau".

Il "demande instamment que tous les moyens soient mis en oeuvre pour lutter contre la haine, comme cette loi le prévoyait".

Source :
https://www.lepoint.fr/societe/haine-en-ligne-la-loi-avia-censuree-au-coeur-une-grande-victoire-pour-ses-detracteurs-18-06-2020-2380723_23.php

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 01:10

Le 23 juin 2020

Les rédactions de Mediapart et de La Revue dessinée unissent leurs forces pour rompre le silence sur la violence d’État dans un hors-série exceptionnel. Commandez dès à présent votre exemplaire.

Un homme qui crie sept fois « j’étouffe » avant de mourir lors d’un banal contrôle routier.

Des lycéens agenouillés les mains derrière la tête. Des pompiers frappés par des policiers.

Des soignantes traînées au sol par les forces de l’ordre.

Des « gilets jaunes » mutilés.

Des actes, des paroles et des écrits racistes banalisés.

Des rassemblements noyés sous les gaz lacrymogènes et victimes des LBD.

Une police des polices qui enterre les dossiers.

Et des familles endeuillées, qui ne demandent qu’une chose depuis des années : « justice et vérité ».

Face à cela ? Un déni, un outrage même, prononcé par le président de la République en personne : « Il n’y a pas de violences policières. »

Raconter les vies brisées, décrypter la fabrique de l’impunité, remonter les chaînes de responsabilité, voilà qui devient une nécessité, que ce soit écrit, filmé ou dessiné.

D’où ce hors-série exceptionnel Mediapart/La Revue dessinée, à mettre sous les yeux de tous ceux qui veulent comprendre, et de tous ceux qui détournent le regard.

Vous pouvez dès à présent commander votre revue ici, elle vous sera livrée la semaine du 13 juillet en avant-première.
Sortie en librairie : 30 septembre 2020.

Au sommaire :

160 pages d’enquête en bande dessinée.
Avec : Marion Montaigne, Assa Traoré, David Dufresne, Fabien Jobard, Pascale Pascariello, Vanessa Codaccioni, Camille Polloni, Louise Fessard, Claire Rainfroy, Benjamin Adam, Vincent Bergier, Michel Forst, Aurore Petit, Thierry Chavant, Géraldine Ruiz.

* Accuser le coup
L’affaire Geneviève Legay : une charge, des révélations en série, de l’embarras, des médailles et du déni.

* Colère noire
Après le meurtre de George Floyd aux États-Unis, plongée dans le mouvement Black Lives Matter, de l’étincelle à l’embrasement.

* Corriger le tir
Sourde aux critiques qui lui sont adressées, la France est l’un des rares pays européens à utiliser sans réserve les LBD.

* La vie volée de Maria
Après un déchaînement de violence contre une jeune femme, la police des polices protège les siens.

* Le flic du futur
Drones, robots et policiers augmentés... Au salon Milipol se dessine l’avenir high-tech des forces de l’ordre.

* Plusieurs entretiens au fil du numéro
Assa Traoré, Fabien Jobard, Vanessa Codaccioni, David Dufresne et Michel Forst.

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19 juin 2020 5 19 /06 /juin /2020 07:23
 PAR 

Alors que la Cour de cassation vient de reporter sa décision, retour sur les conditions qui ont conduit à la mort dAngelo Garand. Le GIGN était supposé venir interpeller ce fugitif au domicile de ses parents un jour de mars 2017.

 

Un homme est mort. Abattu par les gendarmes venus l’arrêter. Il s’appelait Angelo Garand. Voilà ce dont on est sûr.

Pour tout le reste, comme à chaque fois qu’il est question d’une potentielle bavure, les versions divergent. Et on n’en saura pas plus. Du moins pas tout de suite. 

La Cour de cassation devait se prononcer, mercredi 17 juin, sur le pourvoi formé par les avocats de la famille de la victime. La décision a été reportée au 2 septembre. Laissant pendante, d’ici là, une question qui résonne avec l’actualité : comment apprécier en droit la légitime défense quand les critères pour la retenir reposent essentiellement sur les témoignages des membres des forces de l’ordre mis en cause ?

 

Reconstitution, par l'Identification criminelle, de la remise où Angelo Garand a trouvé la mort. © DRReconstitution, par l'Identification criminelle, de la remise où Angelo Garand a trouvé la mort. © DR
Rappel des faits. À l’issue d’une permission de sortie de 24 heures accordée fin septembre 2016, Angelo Garand ne réintègre pas le centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonnes (Vienne). Il y purgeait une peine de deux ans et trois mois d’emprisonnement pour une affaire de violences et d’outrage à l’encontre d’une personne dépositaire de l'autorité publique.

 

Le 29 mars 2017, les gendarmes qui pourchassent l’évadé pensent le localiser dans un secteur compris entre Blois, où résidait sa concubine, et Amboise (Indre-et-Loire). Accompagné de Charlie, son fils âgé de 16 ans, il circule à bord d'un véhicule Citroën C5 blanc. Afin de limiter les risques d’interpellation, Angelo passe rarement deux nuits au même endroit.

Le 30 mars au matin, les enquêteurs ont la certitude que le fugitif se trouve au domicile de ses parents à Seur, dans le Loir-et-Cher. Une antenne du GIGN est mobilisée pour procéder à son arrestation. Aux membres du groupe d’intervention d’élite qui s’apprêtent à agir, le chef d’enquête brosse le portrait d’un Angelo Garand, issu de la communauté des gens du voyage, « très défavorablement connu de la justice, probablement armé et sous l'emprise de drogues dures ».

Ce n’est pas faux. Vingt-sept mentions le concernant au fichier relatif au traitement des antécédents judiciaires, souvent à l’encontre des forces de l’ordre, comme le feront opportunément remarquer les gendarmes. Là encore, un classique des affaires pouvant être qualifiées de violences policières, le moindre manquement à la loi de la victime est versé dans le dossier judiciaire en cours, quand il n’alimente pas la presse.

Qu’importe, Angelo Garand n’est pas un ange, c’est entendu. Son fils confirmera que son père était consommateur d’héroïne et de Subutex, qu’il était armé d’un couteau Douk-Douk et n’hésitait pas à s’en servir. Son ex-compagne le décrira comme « très anxieux et mal dans sa peau », miné par les dettes et animé du sentiment d’avoir gâché sa vie.

Le portrait esquissé par le directeur d’enquête aux membres du GIGN avant leur intervention n’est pas faux mais il campe tout de même une ambiance. « La dangerosité de l’individu [fait] courir des risques aux militaires lors de son interpellation », résumera-t-il plus tard. Et c’est avec cette précision en tête que les militaires du GIGN pénètrent dans le corps de ferme des parents d’Angelo Garand.

Interpellé à bord du Citroën CS, Charlie a eu le temps de crier « les christés sont là » afin d’avertir son père de l’arrivée des gendarmes.

Plusieurs membres de la famille Garand sont également appréhendés en train de préparer un barbecue. Les différents bâtiments et caravanes sont fouillés. En vain. Reste une petite remise de 16 mètres carrés, peu éclairée et encombrée d’objets. C’est là que se cache Angelo et que seront tirés les coups de feu.

Le corps du fugitif gît allongé sur le dos au milieu de la remise, les yeux ouverts, le teint livide. Dans le prolongement de son bras droit, un couteau Douk-Douk. Angelo Garand allait avoir 38 ans.

Une information judiciaire est ouverte contre X une semaine plus tard. Et les deux membres du GIGN sont mis en examen pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner et ce avec usage ou menace d'une arme ».

Le premier, l’adjudant Benoît D., confie qu’on leur avait expliqué que « l’objectif » détenait une arme à feu.

Selon son récit, muni de son gilet pare-balles, d’un casque à visière blindée, le gendarme entendait en entrant dans la remise un de ses collègues crier « couteau » et découvrait Angelo Garand, torse nu, dos au mur au fond de la dépendance, faisant face à ses collègues. Touché à deux ou trois reprises par des décharges de Taser, le forcené arrachait les ardillons. L’adjudant aurait alors vu un de ses camarades tomber au sol, crier « touché », tandis qu’Angelo continuait d’avancer. Constatant « une fenêtre de tir », l’adjudant du GIGN faisait feu et touchait sa cible au plexus. Une expertise déterminera que le gendarme était alors à 70 centimètres d’Angelo Garand.

Interrogé en garde à vue, Benoît D. admettait ne pas avoir entendu de sommation avant le premier tir et ne pas en avoir effectué à son tour. Il expliquait n’avoir vu le couteau d’Angelo qu’une fois celui-ci mort.

Le second militaire mis en cause, l’adjudant Ali B., assurait avoir entendu un collègue s’adresser à Garand « Gendarmerie ! Gendarmerie ! Sors de là ! », puis le même collègue crier « Couteau ! Couteau ! », l’adjudant B. avait alors mis en joue le fugitif.

Mais, selon lui, Angelo Garand, rentré « dans une rage » après avoir reçu deux décharges de Taser, se ruait sur les militaires, pointant son couteau à hauteur de la gorge de l’un d’eux. Ali B. ouvrait alors le feu puis chutait après avoir reçu un choc au menton, non sans tirer une dernière fois avant de perdre connaissance. Au total, Ali B. a fait feu à sept reprises.

Entendus comme témoins, les trois autres membres du GIGN, présents dans la grange confirmaient les déclarations des mis en cause. Les membres de la famille Garand présentes sur le site ont entendu les coups de feu mais n’ont pas vu ce qui se passait à l’intérieur de la remise.

 

 

Au bout d’un an d’instruction, le procureur de la République rendait un réquisitoire de non-lieu. Suivi quelques mois plus tard d’une ordonnance de non-lieu signée du juge d’instruction qui retient que, « comme le démontrent les témoignages des militaires présents dans la grange, la réponse graduée […] apportée par les militaires, qui ont tenté, en vain, d'interpeller Angelo Garand sans dommage. Les militaires ont fait usage de leurs armes afin de neutraliser leur cible qui ne se laissait pas appréhender. […] Le recours à la force meurtrière apparaissait absolument nécessaire pour la défense de leur vie et de celle de leurs collègues ».

La légitime défense, qui ne peut être retenue pour les forces de l'ordre qu’en cas d’absolue nécessité et d’un usage de la force strictement proportionnée aux buts recherchés, s’applique en l’espèce, selon les magistrats du parquet et de l’instruction. Une lecture confirmée, le 7 février 2019, par la chambre de l’instruction d’Orléans. Les deux gendarmes auraient bien « agi dans le cadre et le respect de la loi en faisant usage de leurs armes ».

Fin de l'histoire ?

Pas vraiment. Par la voix de leur avocate, Me Louise Tort, les membres de la famille Garand réclament que les deux gendarmes, auteurs des coups de feu ayant tué Angelo, soient jugés par une cour d’assises aux motifs qu’ils n'étaient nullement en état de légitime défense au moment des faits.

Lorsqu’ils avaient été entendus au début de l’enquête, les Garand présents ce jour-là à la ferme familiale avaient tous évoqué des propos prononcés par les gendarmes : « Engrenadez-le ! » , « Cessez le feu ! », etc. Mais aucun n’évoque les sommations d’usage que certains militaires jurent avoir effectuées.

Aujourd’hui, ces proches d’Angelo accusent les gendarmes de l’avoir assassiné, parlent d’ « une exécution ». Paroles de parties civiles dont les souvenirs sont brouillés par l’émotion ? Peut-être. Sans doute. Mais alors pourquoi seraient-ils moins audibles que celles des gendarmes mis en cause ? D'autant plus que l’un des tireurs a évoqué un « débriefing » de la part de sa hiérarchie avec tous ceux présents dans le cabanon. Et pourquoi cette phrase « les militaires décrivant son état de furie, voire de transe » à laquelle se réfèrent les magistrats dans plusieurs documents pour justifier la légitime défense aurait-elle plus de portée juridique que les témoignages de simples citoyens ?

Et puis, il y a cet enregistrement, troublant, d’un médecin du Samu qu’on entend dire lors de son appel au médecin régulateur du Smur après le drame : « Le gars, il n’était pas armé… Je pense, je ne sais pas. […] Ils [les gendarmes – ndlr] sont venus me voir et me dire qu’il faudrait que ce soit en discrétion totale… »

Pourtant, le juge d’instruction, qui a entendu le médecin du Samu, écarte de manière elliptique ce témoignage qui, selon lui, « ne peut mettre en doute la loyauté de l’enquête ».

 

Reconstitution, dans le cadre de l'information judiciaire, des gestes ayant conduit à la mort d'Angelo Garand. © DRReconstitution, dans le cadre de l'information judiciaire, des gestes ayant conduit à la mort d'Angelo Garand. © DR

 

La partie civile souligne par ailleurs que l’entrée unique de la remise (et donc l’impossibilité de fuir pour Angelo Garand) permettait une autre solution que l’assaut. Surtout, il y a les questions de l’absolue nécessité et de la proportionnalité, les deux conditions requises et cumulatives pour retenir la légitime défense : l’existence du danger invoqué par les gendarmes justifie-t-elle que le forcené, armé d’un couteau (mais dont son usage n’est pas avéré durant les faits), finisse avec cinq balles dans la peau, ayant provoqué, selon le légiste, « des lésions des deux poumons, du cœur, du foie et du rein droit » ?

Selon un arrêt en date du 9 septembre 2015, la Cour de cassation a jugé que la légitime défense ne permet pas de justifier un coup de feu tiré par un policier envers un individu non armé se jetant sur un de ses collègues. Pour expliquer pourquoi il a fait feu à huit reprises, dont quatre ayant atteint leur cible, l’adjudant Ali B. précise qu’Angelo Garand n’a pas porté de coup de couteau sur lui mais qu’il a « fait des gestes circulaires avec son couteau en notre direction à Fabrice [un autre gendarme] et moi-même ». Interrogé, ledit collègue répondra qu’« apparemment » le forcené ne lui a pas porté de coup de couteau. « Mais sur le moment, j’ai pensé qu’il allait m’en porter un »

Influencés par le profil qui leur avait été fait d’Angelo Garand, cinq professionnels aguerris du GIGN ont-ils paniqué ? La justice va devoir trancher pour savoir si la légitime défense doit être retenue ou non au profit des deux tireurs. Mais, quelle que soit la décision de la Cour de cassation, la vérité d’une situation restera tapie dans l’ombre d’une remise de 16 mètres carrés.

 

Source Mediapart.

https://www.mediapart.fr/journal/france/180620/mort-d-angelo-garand-tue-par-le-gign-ce-que-dit-le-dossier-judiciaire?page_article=2

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 05:06

Le 15 juin 2020

Loin de se limiter au recensement des contacts « à moins d’un mètre pendant au moins quinze minutes », l’application mise en place par le gouvernement collecte, et transfère le cas échéant au serveur central, les identifiants de toutes les personnes qui se sont « croisées » via l’appli. De près ou de loin.

Sur le papier, c’est très clair.

Si vous avez téléchargé l’application StopCovid, que vous êtes atteint par le virus et que vous le déclarez dans l’appli, alors les données transmises au serveur central seront celles des personnes avec lesquelles vous avez été en contact « à moins d'un mètre pendant au moins 15 minutes », et qui disposent aussi de l’application.

Les personnes seront alors prévenues qu’elles ont rencontré quelqu’un susceptible de leur avoir transmis le virus.

Ce critère de distance et de durée, moins d’un mètre pendant plus d’un quart d’heure, est l’objet unique d’un arrêté du 30 mai 2020, qui lui-même précise le décret du 29 mai relatif à l’application.

Le décret encadre le « traitement de données » effectué par l’application.

En clair, il constitue l’assise légale de son fonctionnement.

Sans être aussi précis, c’est ce principe qu’avait expliqué Cédric O au mois d’avril, dans un entretien au journal Le Monde : « Lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l’un enregistre les références de l’autre dans son historique », historique qui sera transmis au serveur central si la personne se déclare porteuse du virus.

C’est ce qu’indique aussi la foire aux questions StopCovid mise en ligne par Bercy (ministère de tutelle du secrétariat d’État au numérique) : « Lorsque deux téléphones se croisent pendant au moins 15 minutes à moins d’un mètre, chacun enregistre l’autre dans l’historique de son application de manière cryptée. »

Le problème, c’est que les choses ne se passent pas vraiment comme ça.

Comme l’ont découvert des informaticiens un peu curieux, et comme le secrétariat d’État au numérique l’a confirmé à Mediapart, la collecte des données est beaucoup plus large que ce que prévoit l’arrêté. 

Beaucoup plus large, aussi, que ce que tout le monde avait donc cru comprendre au vu de la campagne de communication du gouvernement, campagne dont témoigne encore ce tweet de Cédric O, qui relaie « les explications pédagogiques du JT de @France2tv »

Le sujet du 20 heures explique très clairement, images à l’appui, que l’appli va enregistrer les contacts rapprochés, selon le critère « une distance de moins d’un mètre pendant plus de quinze minutes ».

Gaëtan Leurent est chercheur en cryptographie à l’Inria, l’Institut national de recherche en informatique auquel le gouvernement a confié le pilotage du projet StopCovid.

Il est aussi l’un des coauteurs du site risques-traçage.fr, qui a très tôt exposé un à un les dangers d’une application de contact tracing telle que StopCovid sous le titre « Le traçage anonyme, dangereux oxymore ».

« Depuis, explique-t-il à Mediapart, on a suivi ce qui se passe avec le déploiement. »

Deux points connexes l’ont intrigué particulièrement : comment la distance entre deux appareils est-elle calculée, et quelles sont les informations envoyées quand on se déclare malade. Il a donc mené des expériences.

En plaçant deux téléphones à une distance de cinq mètres l’un de l’autre, séparés par un mur et pendant seulement quelques secondes, il s’est aperçu que ce « contact » entre les deux appareils, sans intérêt épidémiologique, était pourtant envoyé au serveur central s’il se déclarait porteur du virus.

Et c’est bien là le hic. Interrogé par Mediapart, le secrétariat d’État au numérique confirme que « StopCovid repose sur la remontée de l’historique de proximité d'un utilisateur diagnostiqué positif : cet historique de proximité est constitué des contacts rencontrés par l’utilisateur positif ».

Sous-entendu : tous les contacts, et non pas seulement les plus proches. « Le calcul de l’exposition au risque d’un des contacts de cet historique de proximité est effectué sur le serveur », poursuit le ministère.

C’est le serveur qui va déterminer, entre tous les contacts de la personne positive, ceux qui auront été exposés suffisamment près et suffisamment longtemps.

« Ce qui serait plus respectueux de la vie privée, c’est que le téléphone calcule » lui-même la distance qui le sépare d’un autre repéré par Bluetooth, puis envoie au serveur, le cas échéant, seulement ceux qui seront restés assez près, assez longtemps, estime Gaëtan Leurent. 

« Ce qui est dommage, c’est que si on envoie tous les contacts, c’est beaucoup plus d’infos que ce qui est utile. Il y a un risque sur la vie privée en cas de réidentification ou de recyclage des infos par malveillance. »

Car la portée du Bluetooth peut aller, selon la puissance des appareils, émetteurs et récepteurs, jusqu’à une vingtaine de mètres… La quantité de gens croisés à moins de vingt mètres dans une journée, éventuellement pendant seulement quelques secondes, comme quelqu’un sur le trottoir d’en face, est évidemment sans comparaison avec le nombre de personnes vues un quart d’heure à moins d’un mètre. 

Pour Baptiste Robert, hacker et chercheur en sécurité informatique qui a participé à la recherche de bugs dans l’application, l’envoi de tous les contacts permet « de voir des récurrences » : chaque jour, « on croise les mêmes personnes, on bosse avec les mêmes personnes ».

Ainsi, des acteurs mal intentionnés pourraient « réidentifier la donnée assez rapidement ». Il regrette le choix qui a été fait, car selon lui, « l’appli pourrait trier ce qu’elle envoie »

Le mathématicien Paul-Olivier Dehaye, spécialiste des données personnelles, coauteur d’une tribune titrée « StopCovid est un projet désastreux piloté par des apprentis sorciers », se dit auprès de Mediapart « surpris » puis « sidéré » du choix qui a été fait par la France.

« Ça fait beaucoup de contacts », souligne-t-il, et même s’il « ne s’agit que de pseudos, l’État et beaucoup d’autres ont tout pour passer au-delà de ces pseudos »

Au contraire, proteste le secrétariat d’État, « il n’y a pas de possibilité de reconstitution de graphe social par le serveur puisqu’il ne conserve que les données relatives à la personne exposée (et non à la personne positive) ».

Le stockage et le transfert des contacts brefs est justifié, selon le secrétariat au numérique, par le fait que tous les quarts d’heure, un nouvel identifiant est attribué à chaque appareil.

Ainsi, un contact qui ne durerait que 5 minutes pourrait être la suite d’un contact de douze minutes : deux contacts que seul le serveur est capable de relier pour comprendre qu’il s’agit en réalité d’un seul, de 17 minutes, donc à risques. 

Pour remédier à cette difficulté, le chercheur en cryptographie Gaëtan Leurent pense « qu’il y aurait des moyens assez simples de limiter le problème ».

Par exemple, « le téléphone pourrait filtrer les données pour ne garder les contacts courts que quand ils sont juste avant ou juste après un changement d’identifiant. Ça éliminerait déjà la majorité des contact courts ».

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avait rappelé, dans sa délibération du 25 mai « portant avis » sur le projet de décret, que les atteintes « au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel » devaient être « non seulement justifiées par un motif d’intérêt général » mais aussi « nécessaires et proportionnées à la réalisation de cet objectif »

Par exemple, s’agissant de la durée de l’historique, les contacts transmis ne doivent pas remonter au-delà de 48 heures avant le début des symptômes de la personne qui se déclare positive. 

La Cnil prenait acte, toutefois, « de ce que l’algorithme permettant de déterminer la distance entre les utilisateurs de l’application reste à ce stade en développement et pourra subir des évolutions futures ».

Ce calcul de distance est un point crucial pour toutes les applications de tracing, et notamment celles qui s’appuient sur le Bluetooth, lequel n’est pas fait pour mesurer des distances mais pour échanger des informations. 

Afin de voir ce qu’il se passe réellement dans l’application, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a ensuite annoncé le 4 juin une campagne de contrôle de StopCovid et des fichiers Sidep et Contact Covid mis en place par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Parmi les points de contrôle, figurent notamment « les flux de données et les destinataires ».

« Ces constatations pourront conduire, en cas de manquements graves ou répétés, à l’adoption de mesures correctrices, telles que des mises en demeure et/ou des sanctions », annonçait l’autorité indépendante de contrôle.

En réponse à nos questions, la Cnil s’est retranchée derrière des contrôles « en cours », dont les résultats ne sont pas encore connus.

Le secrétariat d’État au numérique affirme quant à lui que « ces informations sur le fonctionnement de l’application, et en particulier le fait que le calcul d’exposition se fait sur le serveur, sont bien celles auditées par la Cnil qui a jugé sur cette base que l’application respecte bien le principe de minimisation des données ». La Direction générale de la santé, responsable du traitement des données, ne nous avait pas répondu au moment de la publication.

« En dépit de l’amoncellement des textes, regrette l’avocat Vincent Brengarth, on accuse en France, et en pratique, un retard considérable en matière de protection des données personnelles ».

Si la collecte des données effectuée par l’application excédait ce qui est prévu par les règlements qui l’encadrent, elle pourrait selon lui constituer une atteinte aux droits de la personne, y compris par négligence, et tomber sous le coup des articles 226-16 et suivants du Code pénal.

Plus généralement, Vincent Brengarth regrette que le consentement –sur lequel repose entièrement cette application– soit de plus en plus souvent détourné, et même retourné : celui-ci « devient un gage de protection » de ceux qui l’ont recueilli, « plutôt que des personnes qui l’ont donné »

Source :
https://www.mediapart.fr/journal/france/150620/stopcovid-l-appli-qui-en-savait-trop

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30 mai 2020 6 30 /05 /mai /2020 11:01

 

 

 

L'ancien policier mis en cause dans la mort de George Floyd après une interpellation a été arrêté et inculpé d'homicide involontaire, vendredi.

Cette nouvelle va-t-elle empêcher une quatrième nuit d'affrontements à Minneapolis (Etats-Unis) ? Le policier mis en cause dans la mort de George Floyd après une interpellation a été arrêté et inculpé d'homicide involontaire, a annoncé vendredi 29 mai le procureur du comté de Hennepin, où se trouve la ville de Minneapolis. Pour éviter de nouveaux débordements, le maire a annoncé, vendredi, l'instauration d'un couvre-feu. Suivez la situation dans notre direct.

Couvre-feu à Minneapolis dans la nuit de vendredi à samedi. Le maire l'a décrété vendredi, après trois nuits d'affrontements. A partir de vendredi 20 heures (1 heure du matin GMT, soit 3 heures du matin, heure de Paris) jusqu'à 6 heures le lendemain matin (soit 13 heures à Paris), les rues de la ville devront être désertées, à l'exception des forces de l'ordre, des pompiers et du personnel médical.

Donald Trump dit avoir parlé avec la famille de George Floyd. C'est ce qu'il a déclaré, vendredi. "Je comprends la douleur", a déclaré le président américain depuis la Maison Blanche. "La famille de George a droit à la justice", a-t-il ajouté. "Les habitants du Minnesota ont droit à la sécurité", a poursuivi le dirigeant américain, évoquant les trois nuits d'affrontements à Minneapolis.

Le policier mis en cause arrêté et inculpé d'homicide involontaire. "L'ancien officier de police de Minneapolis Derek Chauvin a été inculpé par le bureau du procureur du comté de Hennepin de meurtre (au 3e degré) et d'homicide involontaire", a déclaré Mike Freeman. Peu avant, le département de la Sécurité civile du Minnesota avait annoncé l'arrestation de Derek Chauvin.

Quatre agents limogés. Les policiers impliqués dans l'arrestation violente de George Floyd ont été limogés mardi. Ils avaient été laissés en liberté alors qu'une enquête a été ouverte par le FBI, la police fédérale aux Etats-Unis. "Nous coopérerons totalement à l'enquête", a assuré Medaria Arradondo, le chef de la police de Minneapolis. Les caméras portées par les policiers, qui étaient allumées, pourraient clarifier les circonstances de l'interpellation. Outre Derek Chauvin, les trois autres policiers ont également été arrêtés et risquent d'être inculpés dans cette affaire.

Le maire de Minneapolis réclamait l'arrestation du policier mis en cause. Jusqu'à cette arrestation, aucune inculpation n'avait encore eu lieu, alimentant la colère et les frustrations de la population. Le maire de Minneapolis, Jacob Frey, s'est demandé "pourquoi l'homme qui a tué George Floyd [n'était] pas en prison".

 

AFP)
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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 08:34

Bulletin numéro 190 du 10 mai 2020, du réseau Résistons Ensemble.

« Le peuple aide le peuple » graffiti à Marseille Résistons Ensemble no 190 du 10 mai 2020

C’est le chaos. Face au virus ce pouvoir de bras cassés criminels est incapable d’assurer ses devoirs les plus élémentaires.

En plus du désastre sanitaire, une nouvelle vague de chômage et de malnutrition déferle. La seule activité étatique qui émerge c’est la répression, le contrôle et le fichage de la population laborieuse.

Le régime de la « double peine » (voir RE 189) qui frappait déjà les quartiers populaires s’étend à tout le pays.

L’État se croyait tout permis.

Les dernières batailles contre la loi travail, le mouvement de Gilets Jaunes, la grève contre la réforme des retraites n’ont pas été victorieuses, néanmoins cela a laissé des appuis et une certitude : si on laisse la direction entre les mains de ces gens-là, ils vont tous nous crever.

Sur ce terreau riche des expériences politiques, poussent des collectifs, des réseaux de solidarité inédits et autonomes : fabrication de masques, de blouses pour les hôpitaux, aide aux devoirs, collectes de nourriture, de médicaments, manifs de casseroles, banderoles de solidarité aux fenêtres, manifs de premier mai pourtant interdite, grèves des loyers...

C’est local, basé sur la confiance et dans cette résistance populaire, jeune et vieux, immigrés, militants, sans papiers, mères de familles, chômeurs arrivent à se retrouver.

Face aux violences et crimes policiers dus aux « opérations de respect du confinement », les plus jeunes ont riposté dans les quartiers populaires.

Suite à l’agression d’un jeune homme par la BAC à Villeneuve-la-garenne, des syndicats et organisations ont refusé de mettre dos à dos la police et les jeunes et appellent à constituer une chaîne humaine le 11 mai au départ de l’Ile Saint Denis où a eu lieu une autre agression filmée.

Allant plus loin, des groupes des GJ et autres soutiens légitiment, dans une tribune, le droit des quartiers à répondre par la violence aux violences policières.

Souvenons-nous, à la fin des années 60, le Black Panther Party for Self Defense, une organisation révolutionnaire de Noirs américains, entendait contrôler la police armes à la main, et, en même temps, organisait des petits déjeuners pour les enfants des quartiers et travaillaient étroitement avec les autres révoltés sociaux, comme des étudiants blancs d’extrême gauche et des groupes de latinos ou d’indiens américains.

Les résistances actuelles tendent vers les mêmes buts, ici et là des formes organisées apparaissent, comme les Brigades de solidarité populaire ou comme l’appel « Bas les masques ! « pour un mouvement populaire » lancé par des personnels de la santé en lutte (www.baslesmasques.co).

L’État macroniste se prépare à l’éventualité d’une révolte populaire, la preuve ?

Cette fiche par du ministère de l’éducation nationale à l’occasion de la réouverture de écoles qui enjoint les équipes éducatives de repérer « les replis communautaristes portant atteinte au pacte républicain » et « toutes les manifestations de séparatisme » passant notamment par la « critique des discours d’autorité », afin d’« effectuer des signalements » des élèves concernés.

Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche affirmait que c’est du chaos que naîtra une « étoile dansante ».

Dans le chaos créé sur le dos du Coronavirus par Macron et sa troupe, la promesse d’une étoile dansante, d’une autre société digne et libre est bien là.

Au sommaire

- « Le peuple aide le peuple » graffiti à Marseille
- Le fiasco français face à l’épidémie
- L’abandon des plus pauvres et des plus fragiles
- L’état d’urgence sanitaire contre les droits des travailleurs
- La police travaille

Lire l’intégralité et télécharger ce bulletin mis en page au format pdf.
http://resistons.lautre.net/spip.php?article60
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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 08:12

Le 18 mai 2020

Après une procédure de référé liberté déposée le 12 mai par la Quadrature du Net et la Ligue des Droits de l’Homme, le Conseil d’État a finalement demandé, ce lundi 18 mai, à l’État français de faire cesser leur utilisation sans délai.

Aussi fou que cela puisse paraître, la vingtaine de drones qui survolait le ciel et filmait les parisiens pour faire respecter le confinement le faisait sans réel encadrement juridique.

En effet, interviewée par Mediapart, la préfecture de Paris avait annoncé que le cadre juridique utilisé pour réguler l’utilisation des données vidéos par les drones s’appuyait sur l’article 9 du Code civil et l’article 226-1 du Code pénal relatifs au respect la vie privée.

« Ce qui voulait dire que la police de Paris répondait aux mêmes règles qu’une personne lambda qui filmerait dans la rue, c’est bien trop insuffisant ! », s’indigne Klorydryk, membre de la Quadrature du Net.

Dans une réponse de la préfecture de Paris adressée à Mediapart, celle-ci certifiait toutefois que les données filmées étaient « supprimées dès la fin de la mission » et que les caméras des drones filmaient uniquement en grand angle pour observer des flux de circulation ou des rassemblement rendant impossible les identifications faciales (hors cadre judiciaire). « Des déclarations que nous devons croire sur parole en l’absence de réel cadre juridique », regrette Klorydryque.

Le Conseil d’État a donné raison à la Quadrature du Net, considérant que ces drones ne pourraient survoler à nouveau Paris que lorsqu’ils seraient dotés de dispositifs techniques empêchant l’identification des personnes filmées ou qu’un arrêté encadrant leur utilisation serait pris.

Et dans les autres villes de France ?

« Nous avons pu attaquer la préfecture de Paris car nous savions à quel cadre juridique elle se référait. Ce n’est pas le cas pour les autres préfectures. Certains pensent que la décision du Conseil d’État pourra s’appliquer partout. Ce n’est pas notre conclusion. Nous allons donc réfléchir à la suite de notre action pour voir si nous agissons dans d’autres villes », conclut Klorydryk.

Source :
https://rapportsdeforce.fr/breves/les-drones-policiers-interdits-dans-paris-et-ailleurs-05187213

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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 08:10

Le 25 mai 2020

En suspendant notre conception de la normalité, la pandémie actuelle ouvre la porte à toutes sortes d’opportunités politiques.

Certaines sont enthousiasmantes dans une perspective de droits sociaux et de redistribution de la richesse ; hélas, plusieurs opportunités politiques sont aussi franchement inquiétantes. L’accroissement de la surveillance numérique en est une.

Lire la suite :
https://www.ababord.org/Contact-tracing-et-capitalisme-de-surveillance

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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 06:56

Le 22 mai 2020

Pour Robert Redeker (Philosophe), le Covid-19 pourrait être le début d'une dystopie.

Le printemps 2020 a vu apparaître une forme nouvelle de mondialisation : la réduction, partout sur la Terre, de toutes les questions politiques à une seule, qui n’en est pas vraiment une, la question sanitaire.

Cependant les Etats se sont emparés de cette question, l’ont intégrée à leur dispositif, pour détruire la politique.

Toutes les élucubrations sur la fin de la mondialisation, sur "le monde d’après", font l’impasse sur ce fait majeur : les Etats, à de rares exceptions près, se sont lancés dans le même type de gestion de la crise sanitaire. Tous ont réduit les libertés fondamentales.

Tous ont formé des projets de suivi technologique – le fameux "traçage" - des êtres humains comme s’ils s’agissait d’animaux.

Beaucoup ont utilisé les drones à la façon de chiens de berger mécaniques.

Tous ont transformé leurs habitants en rats de laboratoire sur qui expérimenter les formes nouvelles de gouvernance.

L’espace de quelques mois une sorte d’Etat mondial antipolitique s’est dessiné, où le droit fut universellement bafoué par la loi.

Lire la suite :
https://www.marianne.net/debattons/billets/crise-sanitaire-pour-les-dictateurs-en-herbe-il-n-est-plus-tres-difficile-d

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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 05:59

Le 21 mai 2020

Avec le coronavirus, universités et écoles sont obligées de repenser l'organisation de leurs examens.

À HEC, on a opté pour des examens à domicile, avec un système de surveillance que les étudiants estiment intrusif.

Il permet notamment de scanner la pièce où ils se trouvent ou de suivre le mouvement de leurs yeux...

S'il n'y avait pas l'obligation de distanciation sociale, ils seraient peut-être même allés jusqu'à organiser une AG, ce qui n'est pourtant pas dans leurs habitudes.

Il faut dire que les étudiants de HEC ne cachent pas leur inquiétude, voire leur colère face aux modalités d'examens que leur école souhaite leur imposer.

En cause, l'utilisation de logiciels de surveillance en ligne (puisque les examens se passent à domicile) qui, selon eux, pose à la fois des problèmes d'égalité des chances et de respect de la vie privée.

En 24 heures, leur pétition lancée le 11 mai a récolté 300 signatures, sur les 900 étudiants concernés par ce nouveau fonctionnement contraint par la crise du coronavirus.

Dans cette lettre ouverte, que nous avons pu consulter, ils s'inquiètent de l'utilisation de deux logiciels, le service de réunion en vidéo Zoom mais surtout la plateforme Proctorio, conçue pour surveiller automatiquement les étudiants, leur environnement et leur comportement.

Scanner la pièce, suivre les mouvements des yeux, filmer l'étudiant, analyser les sites explorés...

Ce système est basé sur une extension du navigateur internet Chrome, qui dès l'installation demande des autorisations pour le moins intrusives : accès aux données de tous les sites web consultés, aux éléments que vous copiez-collez, possibilité de gérer vos téléchargements, vos captures d'écran, bloquer l'accès à un disque dur ou une clé USB, modifier les paramètres de confidentialités du navigateur...

Elle peut également filmer et stocker une vidéo de l'étudiant à certains moments, accessible ensuite à l'équipe pédagogique en cas de doute.

Capture d'écran de l'écran d'installation de l'extension Proctorio

Autant d'éléments dont la société américaine Proctorio assurent qu'ils ne sont utilisés que partiellement, pour empêcher la triche.

Elle précise d'ailleurs aux étudiants qui s'en inquiètent (en particulier aux États-Unis où la plateforme est déjà fréquemment utilisée) que ce sont les écoles et les professeurs qui décident ou non d'utiliser les fonctions de surveillance proposées par leur application.

Mais si l'on en croit la lettre ouverte des étudiants d'HEC, leur école a eu la main lourde sur les fonctionnalités de surveillance.

"La plateforme Proctorio exige, avant – et parfois pendant – l’examen, un scan à 360° de la pièce dans laquelle l’étudiant subit l’épreuve. Cette pièce peut de surcroît être filmée durant la totalité de l’examen, par Zoom comme par Proctorio."

Le texte estime que c'est une atteinte excessive à l'intimité, non seulement des étudiants eux-mêmes, mais aussi de "l'ensemble des membres du foyer où il réside", s'ils vivent par exemple en colocation ou chez leurs parents.

Gabrielle (le prénom a été modifié), raconte par exemple qu'une fois connectée, elle doit "prendre mon ordinateur et faire le tour à 360 degrés de la pièce où je me trouve, pour vérifier que je n'ai pas de poster avec des choses écrites, pas de bouteille d'eau avec une étiquette sur mon bureau, bref que je n'ai pas d'antisèche sur le mur".

Les étudiants s'inquiètent aussi d'une inégalité de fait entre les étudiants selon leur équipement et la qualité de leur connexion : possession ou non d'une webcam, difficultés d'accès à Internet selon la région où ils se trouvent.

Et craignent que cette pression supplémentaire les desserve, dans un contexte où "beaucoup des étudiants font [déjà] face à un stress ou à une détresse sans précédent".

Bref, comme le résume un étudiant signataire : "la surveillance numérique est inadmissible et déraisonnable".

"La plupart des examens que nous passons dans nos vies impliquent une surveillance", répond l'école

L'école leur a répondu, justifiant la mise en place de système par la volonté d'éviter toute triche pendant les examens.

"Pour éviter tous les types de triche, nous avons besoin de la vidéosurveillance", explique l'un des dirigeants de l'école, qui a pris la décision d'utiliser ces outils.

"La surveillance en ligne est d'ailleurs totalement soutenue par le ministère de l'Enseignement supérieur", qui selon lui "fournit même des instructions et des comparatifs des différents services payants".

Il estime également que "la plupart des examens que nous passons dans nos vies impliquent une surveillance. On peut même dire que la surveillance par webcam est bien moins intrusive que la surveillance en personne pendant les examens sur site."

La réponse d'HEC ouvre toutefois la voie, "en dernier recours", à des examens sur le campus fin août 2020.

"La triche est, justement, ce que chacun souhaite éviter", écrivent les étudiants dans leur lettre ouverte.

"Mais l’esprit de communauté qui nous anime peut aussi nous inviter à nous faire mutuellement confiance : chacun souhaite la réussite des autres dans les meilleures conditions possibles."

Dans sa réponse, l'école assure surtout s'inquiéter pour la réputation de cette promotion particulière, et vouloir éviter que "le marché pense que cette année, vos performances n'ont pas été suffisamment mises à l'épreuve à cause de la situation liée au Covid-19". Dans un commentaire en marge de la pétition, un étudiant balaye sèchement cet argument : "L’éthique fait tout autant partie du prestige de HEC que son excellence académique".

Source :
https://www.franceinter.fr/societe/la-fronde-inedite-des-etudiants-d-hec-contre-la-surveillance-de-leurs-examens-en-ligne

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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 05:00

Le 27 mai 2020

À un mois de l’entrée en vigueur de la loi dite « Avia » contre la haine en ligne, des activistes LGBT français s’inquiètent de la censure injustifiée dont ils et elles viennent de faire les frais sur les deux réseaux sociaux américains.

Pour ces militant·e·s et activistes LGBT, l’alerte est sérieuse. Depuis une dizaine de jours, plusieurs de leurs comptes sur Twitter et Facebook ont été suspendus, leurs messages effacés, leur possibilité de publier réduite.

Avant que peu à peu les choses reprennent leur cours habituel. 

Comme il est d’usage avec les réseaux sociaux, les raisons de cette censure n’ont pas été clairement indiquées aux propriétaires des comptes en question.

Mais pour elles et eux, il ne fait aucun doute que c’est l’emploi des mots et expressions « PD », « pédé », « pédale », au pluriel ou au singulier, qui est à l’origine de leurs déboires. 

« Le terme gouine dérange moins, on n’a pas de posts censurés avec seulement ce mot… », constate l’activiste Gwen Fauchois, qui déplore un sexisme supplémentaire. 

Ce que personne ne sait, en revanche, c’est comment l’opération s’est répandue d’un compte à l’autre (de proche en proche, entre différentes personnes), et d’un réseau social à l’autre (de Facebook à Twitter et vice-versa).

Les algorithmes se sont-ils mis en branle tout seuls, ou bien ont-ils été déclenchés par le signalement de certains messages ?

« On est en pré-configuration de la loi Avia », estime Gwen Fauchois, dont les comptes Facebook et Twitter ont été bloqués le 25 mai avant d’être rétablis le lendemain.

À un mois de l’entrée en vigueur, prévue le 1er juillet, de la loi contre la haine en ligne votée il y a deux semaines, ces militant·e·s s’inquiètent de ses effets secondaires redoutés, comme la silenciation de celles et ceux qui combattent les discriminations, mis dans le même sac algorithmique que ceux qui tiennent des propos violents. 

Activiste du sida et des minorités, ancien vice-président d’Act-Up, aujourd’hui salarié de l’association Aides et administrateur d’une salle de consommation à moindres risques, Fred Bladou ne comprend pas comment Facebook a pu se méprendre sur son compte : « Aujourd’hui, que Facebook me taxe d’homophobie et bloque mon compte est complètement abstrait. On peut être gay et homophobe, mais c’est pas mon cas… »

Il se sent « dépossédé de 30 années de combat. C’est extrêmement violent et bizarre au plan personnel »

Il s’étonne également de voir que ses amis ont subi les mêmes procédés : « Dans les profils censurés que je connais, dix ou onze sont des amis proches, activistes, on a fait partie des mêmes groupes : Aides, Act-Up, Oui oui oui… Aujourd’hui on est chez Irrécupérables. C’est très perturbant. »

« On a été un certain nombre à partager des posts de solidarité, et en colère », souligne Gwen Fauchois, y voyant une possible explication. 

« Est-ce que c’est un hasard ? Est-ce que les réseaux sociaux testent des algorithmes plus radicaux ? », s’interroge-t-elle. 

Sur Twitter, Cédric Daniel a été le premier touché par une suspension de son compte, lundi 18 mai, pour une « infraction » aux règles « relatives aux informations de profil inappropriées ».

À savoir : « Il est interdit d’utiliser votre nom d’utilisateur, votre nom d’affichage ou la biographie de votre profil pour vous livrer à des comportements inappropriés, notamment tout harcèlement ciblé ou toute expression de haine envers une personne, un groupe ou une catégorie protégée. »

Cette bio « un peu frontale » (voir ci-dessus) figure sur son compte « depuis au moins deux ou trois ans ».

« Comme par hasard », souligne-t-il, « je suis tombé sous les radars juste après l’adoption de la loi Avia »

S’il a pu récupérer son compte dans les 48 heures, et sans changer sa bio, il y a eu depuis « une accélération » : « Ça se multiplie à une vitesse phénoménale ces derniers jours », nous disait-il mardi 26 mai.

Selon lui, « les réseaux sociaux se sont dit qu’ils allaient être sur la sellette »

Au-delà du désagrément qu’est la suspension d’un compte, Fred Bladou y voit également un danger pour les actions menées en ligne.

« Ça nous interroge vraiment sur l’avenir des cyberactions. Depuis Valls et la loi travail, il y a eu un durcissement de la répression sur la voie publique qui nous touche aussi, et nous a contraints à nous adapter, à inventer des actions 2.0 pour ne plus être interpellés. » 

Il s’inquiète de ne plus pouvoir « utiliser pédé ou gouines sur les réseaux sociaux, des mots qui sont des symboles de l’autodétermination ».

« Dans le sida », explique-t-il, « on a toujours utilisé gouine et pédé, et pas homosexuel », un mot qui a longtemps désigné une maladie.

« On n’a pas envie de se définir comme homosexuel·le·s. Quant au terme gay, il est pas dans ma culture, car c’est très mainstream et pas politique. Voilà pourquoi pédé est toujours utilisé, mais il n’y a pas d’injonction. On n’oblige pas tous les gays à se définir comme ça. »

Comme de nombreux opposants au texte le redoutaient, le contexte d’une publication peut difficilement être pris en compte par une modération automatisée.

Interrogé par Mediapart, Twitter a répondu que plus de la moitié des publications étaient modérées par un algorithme : « Plus d’un tweet sur deux sur lequel nous prenons une action a désormais été surfacé proactivement grâce à notre technologie. » 

L’entreprise américaine confirme avoir « accru [son] utilisation du machine learning et de l’automatisation afin de prendre plus de mesures sur les contenus potentiellement abusifs et manipulateurs ».

Elle reconnaît toutefois des ratés : « Bien que nous nous efforcions d’assurer la cohérence de nos systèmes, il peut arriver que le contexte apporté habituellement par nos équipes manque, nous amenant à commettre des erreurs. Lorsque nous en avons connaissance, nous revenons sur notre décision. » 

Facebook, qui n’a pas répondu à nos questions, précise auprès de ses utilisateurs ayant fait appel qu’en raison de l’épidémie de coronavirus, « il y a actuellement moins d’examinateurs disponibles. […] Il est donc possible que nous ne puissions pas effectuer de réexamen ».

« On est légitime à dire ce qui est homophobe et ce qui ne l’est pas », revendique Gwen Fauchois.

« Le fait de déléguer aux Gafa, c’est déshabiller l’État, masquer l’absence de politique d’émancipation. On s’en prend aux symptômes. »

Alors que le dernier rapport annuel de SOS Homophobie, publié lundi 18 mai, a montré une forte hausse des violences homophobes (+ 26 %), « le fond du débat », estime Fred Bladou, « c’est juste que la macronie a besoin de redorer son blason », en l’absence de réelles politiques de lutte contre les discriminations, et alors que le vote de la loi sur la PMA pour toutes vient encore d’être reporté pour cause de coronavirus.

« Facebook et Twitter ont juste anticipé la loi », constate Fred Bladou. Si le militant pense avoir fait l’objet d’un signalement, il n’en a pas la confirmation.

« Je ne sais pas ce qui leur est passé par la tête », dit-il, pour s’intéresser à lui « le week-end de l’Ascension, le vendredi à 18 heures… après dix ans sans problème ».

« Ils ont fouillé dans mon passé, j’ai reçu les alertes les unes après les autres, jusqu’à cinq ans en arrière. »

Fred Bladou a récupéré son compte le samedi soir, puis changé sa photo de profil pour y ajouter la mention « C’est pas la loi Avia qui me rendra moins PD ».

Résultat, « dimanche, nouvelle censure pour trois jours ».

« Quels que soient les reproches qu’on peut faire à la justice », poursuit Gwen Fauchois, « les décisions sont prises avec des débats publics. Là, on est dans l’opacité, on ne sait pas pourquoi tel post, telle personne sont visés. »

« Ça va toucher toutes les minorités », redoute-t-elle. « On va se retrouver avec cette épée de Damoclès. » 

L’activiste lesbienne pense également à tous les anonymes, dont les comptes ne sont pas aussi suivis que ceux des militant·e·s dont il est ici question, et qui ont pu subir la même censure : « On n’a pas de témoignages, cela ajoute aussi de l’injustice. »

Source :
https://www.mediapart.fr/journal/france/270520/twitter-et-facebook-bloquent-des-comptes-de-militants-lgbt

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